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CONTRE LA COLONISATION ISRAÉLIENNE – L’Exigence De La Radicalité

Entre la fin du 19ème siècle et nos jours, les territoires associés à la Palestine historique se sont réduits comme peau de chagrin. Rachats de terres, expulsions des Palestiniens, plan de partage de l’ONU, création unilatérale de l’État d’Israël, guerre de 1948, guerre de 1967, accords d’Oslo dévoyés, plan Trump avalisant la colonisation israélienne post-1967, et récemment la formation d’un gouvernement d’union nationale en Israël prêt à annexer de nouveaux territoires en Cisjordanie.. tout semble aller vers une disparition inexorable de la Palestine. Pire, la situation des Palestiniens n’a fait que se dégrader. Les réfugiés palestiniens dont le nombre dépasse les 750000 en 1948 sont aujourd’hui plus de 5 millions, les gazaouis sont enfermés sur leurs propres terres via un blocus qui dure depuis plus de 13 ans et ils sont régulièrement bombardés et réprimés dans le sang, tandis que la Cisjordanie se voit lézardée par un mur et bardée de checkpoints qui compliquent tous les aspects de la vie des Palestiniens. Dans le même temps, dans leur rapport pour l’ONU de 2017, les universitaires R. Falk en V. Tilley arrivent à la conclusion que la situation des Palestiniens relève de l’apartheid. Un crime contre l’humanité sensé pousser tous les acteurs, étatiques, publics, privés et individuels, à agir pour y mettre un terme. Pour autant, la situation ne s’améliore pas et la colonisation continue. Elle continue parce que le diagnostic est mal posé et parce que les différents acteurs font semblant de croire que des condamnations verbales ou des incantations à la paix peuvent venir à bout de l’idéologie nationaliste et colonialiste secondée par des intérêts impérialistes à l’œuvre en Palestine. Face à ce rapport de forces extrêmement défavorable et face à une idéologie dédiée au grignotage progressif de la Palestine, seule une radicalité renouvelée peut agir efficacement contre ce phénomène.

  • La Palestine, Malade D’un Nationalisme Exogène

Depuis plus d’un siècle, la Palestine est malade. Elle souffre d’un nationalisme exogène, un nationalisme qui s’est constitué en dehors de son territoire. Il a pris naissance en Europe au 19ème siècle, comme réponse à la montée de l’antisémitisme racial qui y sévit alors. Le chrétien évangélique W. E. Blackstone va développer le concept sioniste qui sera ensuite popularisé par T. Herzl avec son livre Der Judenstaat (L’État des Juifs – 1896). Le sionisme commencera à se matérialiser à partir du premier congrès sioniste qui s’est tenu à Bâle, en 1897. Parce qu’il est exogène, ce nationalisme ne pouvait se concrétiser sans un moyen, et ce moyen ce fut une entreprise de colonisation unique en son genre, de peuplement et de remplacement ethnique. C’est la colonisation sioniste qui a produit l’enracinement de ce nationalisme exogène en Palestine. Elle se produit d’abord par la mise en place progressive d’institutions coloniales : la banque coloniale juive (1898) ; le fond national juif qui rachète les terres palestiniennes et plante des arbres dessus (1901) ; la haganah, organisation paramilitaire et ancêtre de tsahal (1920) ; le syndicat histadrout dédié à la défense du travail juif (1920) ; l’agence juive qui installe les nouveaux colons (1928).

Cette colonisation se poursuit ensuite par tout un tas d’actes délétères pour les Palestiniens. Par le rachat de terres et par l’expulsion de paysans, par la militarisation de groupes de colons, par l’alliance entre britanniques et colons au moment de la grève puis de la révolte palestinienne de 1936-1939 qui fut réprimée dans le sang, par la revendication du partage du territoire palestinien et par la proclamation unilatérale de la création de l’État d’Israël en 1948, par l’épuration ethnique des Palestiniens qui a suivi, par les guerres toujours asymétriques subies par les Palestiniens, par le blocus de Gaza, par la création d’un mur de séparation en Cisjordanie, pour finir avec la situation d’apartheid qui qualifie au mieux la situation des Palestiniens aujourd’hui. Tous ces actes ne peuvent se comprendre que dans une logique colonialiste à visée nationaliste.

  • La Palestine, Malade Du Racisme Colonial

La Palestine ne souffre pas que de cette interminable succession d’actes de violence et de dépossession. Elle est malade du racisme qu’elle subit. Parce que sans forcément théoriser de hiérarchisation de races, la colonisation adopte nécessairement les stigmates du racisme. Elle implique la domination ethnique du colon sur le colonisé, la subordination, l’exploitation de l’un à l’autre, et/ou une forme d’illégitimité de présence de la population autochtone. Le colonialisme sioniste n’échappe pas à la règle.

Commençons par la notoire propagande sioniste : « une terre sans peuple, pour un peuple sans terre ». La Palestine a toujours été peuplée, c’est à la fois un fait et une évidence. Cette propagande est donc évidemment fausse. Et qu’est-ce donc que cette assertion, sinon la traduction d’une volonté d’occulter jusqu’à l’existence même du peuple palestinien et de le considérer comme quantité insignifiante au regard du projet nationaliste sioniste ? Continuons par le rachat initial des terres et l’expulsion des paysans palestiniens : qu’est-ce sinon établir une discrimination et proclamer une indésirabilité de présence et, de fait, hiérarchiser négativement un groupe humain dans son ensemble ?

Méconnu, et pourtant incroyablement scandaleux, le fonctionnement de la histadrout, un syndicat de travailleurs et un instrument de la colonisation sioniste, a conduit à la paupérisation des travailleurs palestiniens. Une des missions de ce syndicat était de garantir l’emploi des colons juifs nouvellement arrivés en Palestine et d’orchestrer parallèlement l’exclusion systématique des travailleurs arabes palestiniens. C’est privés d’emploi, précarisés et victimes de l’injuste que ces travailleurs palestiniens ont entamé la grève de 1936, elle dura 6 mois avant de se transformer en guerre civile de 3 ans qui fut réprimée dans le sang. La politique menée par la histadrout a progressivement constitué un sous-prolétariat ethnique, palestinien, extrêmement précaire et corvéable à merci, exploité par la société coloniale israélienne. Alors que partout le mot d’ordre syndical par excellence est l’union des travailleurs, la histadrout n’a pas seulement divisée, elle a orchestré par le travail la relégation d’un groupe ethnique. Une politique incontestablement raciste et qui fait honte aux travailleurs du monde entier.

De la même façon, les Palestiniens se voient sommés d’accepter le partage de leur territoire, et leur refus est considéré comme incompréhensible. Mais quel peuple au monde accepterait de se voir déposséder d’une partie de son territoire, et comment même oser penser que cela puisse-t-être acceptable ? Enfin, la résistance palestinienne se voit aussi systématiquement assimilée à du terrorisme. Le peuple palestinien se voit donc interdit de défendre ses droits et ses terres. C’est-à-dire que des réactions qui seraient considérées comme normales pour n’importe quel peuple subissant une agression deviennent subitement condamnables lorsqu’il s’agit des Palestiniens. Et qu’est-ce donc, sinon faire des Palestiniens un peuple en dehors de l’humanité, supposé accepter sans réagir toutes les vicissitudes qui lui tombent dessus, et qu’est ce donc finalement, sinon une forme aboutie de racisme qui n’ose dire son nom ?

  • La Palestine, Malade Du Racisme Post-colonial

Mais la Palestine est aussi malade d’une autre forme de racisme. Elle est malade du racisme post-colonial occidental, ce descendant de l’histoire coloniale européenne. Ce post-colonialisme ne théorise pas non-plus de hiérarchie des races, mais il reproduit sans cesse les stigmates du racisme issu de la période coloniale. Parce que l’idéologie sous-jacente au colonialisme européen, assénée pendant des décennies, n’a jamais été véritablement déconstruite.

Cette idéologie prend naissance dans la confusion entre la civilisation et le progrès technique. Confusion, parce que si l’Europe avait été aussi en avance d’un point de vue civilisationnel qu’elle le prétend, elle n’aurait pas guerroyé tout au long de son histoire.. elle n’aurait pas massacré des autochtones aux quatre coins du monde.. Et elle n’aurait pas sombré dans deux guerres mondiales, dans le fascisme et dans la barbarie nazie qui a sali l’humanité entière. Quelque chose n’allait pas dès le début dans cette prétention à incarner l’horizon indépassable de la civilisation.. Et mécaniquement, cette prétention revenait à dévaluer toutes les autres civilisations. De cette dévaluation on pouvait commencer à hiérarchiser l’être humain, à le dominer, à l’asservir, à le violer et à le mettre à mort au besoin. Cette dissonance entre les crimes et la prétention à incarner la civilisation fut résolue par un répugnant apport scientifique qui a justifié les dominations ethniques coloniales par un racisme biologique, par le biais de la phrénologie et du primitivisme entre autres.

Ce colonialisme européen a, dans un mouvement d’ensemble, rabaissé les peuples indigènes, leurs civilisations et leurs religions. C’est son fils, l’insaisissable racisme post-colonial, inscrit plus ou moins profondément dans l’imaginaire occidental, qui continue ce travail aujourd’hui. C’est lui qui continue à rendre moins important la vie d’un arabe par rapport à celle d’un occidental. C’est aussi lui qui continue à rendre moins important la vie d’un musulman par rapport à celle d’un non-musulman. Lui encore, qui produit de la politique et de la géopolitique bas de gamme en réduisant un grand nombre de problèmes complexes à la question de l’Islam. Cet héritage pèse de tout son poids mort sur la Palestine, parce que les Palestiniens sont en majorité et arabes et musulmans. Et comment soutenir des arabes et des musulmans quand on porte en soi, de façon plus ou moins inconsciente cet héritage colonial jamais véritablement déconstruit ? Il y a dans le désintérêt à la cause palestinienne tout le poids de cet héritage. On le trouve aussi qui reprend les argumentaires et les positions du racisme colonial israélien exposé dans la partie précédente. On le trouve encore dans cette façon de mettre au même niveau, d’un seul geste, oppresseurs et opprimés, occupants et occupés, colonisateurs et colonisés, dépossesseurs et dépossédés. Et on le trouve enfin, chez tous ceux qui versent dans le relativisme moral et intellectuel servant les plats à la colonisation israélienne.

  • La Palestine, Malade De L’impérialisme Occidental

Enfin, la Palestine souffre de l’impérialisme, occidental très majoritairement. En 1902, T. Herzl, souvent considéré comme le père fondateur du mouvement sioniste, a écrit que son programme d’implantation en Palestine était de nature coloniale, qu’il constituerait un avant-poste de la civilisation faisant contrepoids à la barbarie, qu’il s’agirait d’un bastion de la culture occidentale en Asie. Il s’adressait à Cecil Rhodes, homme d’affaires et politicien britannique fervent défenseur de l’impérialisme et de la colonisation. Du projet de création d’un foyer national juif en Palestine, commence à se dessiner également les contours d’une entreprise européenne pouvant servir des intérêts impérialistes. Après la première guerre mondiale et la chute de l’empire Ottoman, les accords Sykes-Picot organisent le dépeçage du Proche-Orient entre la France et le Royaume-Uni qui permet notamment à cette dernière de garder un contrôle sur le canal de Suez. La Palestine passe sous la domination de l’empire britannique et c’est d’abord cet empire qui validera l’idée d’un foyer national juif en Palestine, trahissant par là ses engagements à l’autodétermination pris vis-à-vis des peuples arabes de la région. La déclaration de Balfour de 1917 se justifie par une ribambelle d’intérêts impérialistes : instaurer une présence occidentale dans la région, neutraliser et contrôler les nationalismes arabes et ainsi pérenniser un accès aux ressources, endiguer l’influence de la France, pousser les États-Unis à s’engager dans la première guerre mondiale, etc.

L’immigration importante des juifs en Palestine, dans le cadre de ce projet politique nationaliste exogène, passe mal auprès des populations autochtones qui en saisissent l’essence, les tensions grandissent, la situation devient progressivement instable et l’empire britannique perd le contrôle de la situation. En 1947, peu de temps après l’attentat sioniste sur l’hôtel King David qui décima l’autorité mandataire britannique, le Royaume-Uni remet son mandat à l’ONU. Cette dernière doit donc décider de l’avenir de la Palestine. Nous sommes au lendemain de la seconde guerre mondiale, l’humanité vient de prendre conscience de la barbarie nazie et les empires coloniaux sont encore largement intacts. Que pouvait donc bien peser le droit à l’autodétermination des Palestiniens dans ce cadre ? Rejetant la proposition palestinienne d’un État unique multiconfessionnel, cédant aux logiques ethniques et séparatistes sionistes et validant donc une entreprise coloniale, l’ONU propose un plan de partage. Ce plan va produire une redistribution des influences impérialistes dans la région. Les puissances locales sont contre ce plan, mais au niveau mondial, les grandes puissances le soutiennent. Les États-Unis bien sûr, et l’URSS aussi, pensant pouvoir profiter du soutien des juifs d’Europe de l’Est fraîchement installés en Palestine, et dans le but de contrecarrer les impérialismes occidentaux dans la région. Le vote du plan de partage à l’ONU se fait en deux étapes. Le 25 novembre 1947, la commission vote la mise à l’ordre du jour du plan : 25 voix pour, 13 contre, 17 abstentions et 2 absents. Cela signifie que le plan va pouvoir être voté à l’Assemblée Générale de l’ONU, mais aussi, qu’en l’état actuel des votes il serait rejeté. C’est la diplomatie, états-unienne notamment, qui va faire pression sur certains États pour faire passer ce vote. Le 29 novembre 1947, les résultats du vote sont : 33 voix pour, 13 contre, 10 abstentions et 1 absent. Les influences impérialistes ont eu raison de l’État unique en Palestine.

Pour l’URSS cependant, c’est la douche froide, les mouvements sionistes et le jeune État d’Israël se tournent vers l’Occident, et toujours davantage vers les États-Unis. L’impérialisme occidental n’a plus cessé de s’exercer en Israël depuis. Outre les coopérations économiques, politiques et militaires, on en trouve plusieurs exemples remarquables. La crise du canal de Suez est un exemple spectaculaire au sens où elle verra s’opposer les intérêts des anciennes puissances impérialistes à ceux des nouvelles. En 1956, le canal est nationalisé par l’Égypte, ce qui déclenche une attaque d’Israël, de la France et du Royaume-Uni, tous trois liés par un accord secret visant à protéger leurs intérêts économiques. En pleine guerre froide, les États-Unis et l’URSS ne peuvent s’accommoder d’une déstabilisation régionale : ils précipitent l’intervention d’une force d’urgence des Nations Unies et poussent rapidement au départ ces vieilles puissances impérialistes. Autre exemple, à peine quelque temps plus tard, la France, fournira secrètement l’accès à la technologie nucléaire (1957-1958) à l’État d’Israël, ce, dans le cadre d’une alliance contre l’Égypte accusée par la France de soutenir financièrement le Front de Libération National algérien. Cet accord ne peut se comprendre que dans la logique impérialiste française visant à défendre ses intérêts et son empire colonial de l’époque.

Mais c’est de toute évidence l’impérialisme états-unien qui va s’imposer dans la région et faire souffler le chaud et le froid au gré de la solidité de son implantation au Moyen-Orient. Riche en pétrole, cette partie du monde est une priorité stratégique des États-Unis qui entendent contrôler l’accès à cette énergie fossile cruciale. Il s’agit d’abord de garantir cet accès aux État-Unis, bien sûr, mais aussi de le garantir à ces alliés, perpétuant ainsi une vassalisation, tout en en limitant l’accès à ses ennemis et ainsi faire obstruction à leur développement. Israël, implanté au Moyen-Orient, zone occidentalo-compatible et pro-états-unienne est un atout considérable. Pour cette raison, cet État bénéficiera des largesses de toutes les administrations états-uniennes par l’intermédiaire de coopérations économiques, politiques et militaires. Au niveau économique et militaire, on peut citer les Mémorandum d’Entente États-Unis-Israël, avec des aides américaines renouvelées toutes les périodes de 10 ans (26,7, 30 et 38 milliards de dollars pour les dernières), supervision de recherche et développement d’armes, exercices militaires conjoints, flotte américaine stationnant à Haïfat, mise en commun des services de renseignements. Au niveau politique, jouant du bâton et de la carotte, les États-Unis poussent aussi les pays hostiles à Israël à normaliser leurs relations avec ce dernier. C’est le cas de l’Égypte, de l’Arabie Saoudite ou encore récemment du Soudan, qui finissent par adopter une realpolitik pro-israélienne en contradiction avec les aspirations de leur peuple.

Comme on peut le voir au travers de ces quelques exemples, l’impérialisme occidental a su se servir efficacement de la création de l’État d’Israël pour satisfaire ses intérêts. Les coopérations entre Israël et les puissances occidentales, qu’elles soient de nature économique, politique ou militaire ont systématiquement renforcé cet État, au détriment de la Justice vis-à-vis des Palestiniens.

  • En Finir Avec L’injustice En Palestine

Au carrefour d’un nationalisme exogène, du racisme colonial et post-colonial, et des intérêts impérialistes, le peuple palestinien fait face à une situation extraordinairement complexe, et il se trouve au cœur d’un rapport de forces très défavorable à leur sort. Dans ce cadre, les Palestiniens ne peuvent compter que sur la solidarité des peuples du monde, sur les initiatives de la société civile et sur la radicalité et l’absence de complaisance des acteurs politiques qui défendent leur cause.

Dans cette exigence de radicalité, il s’agit d’admettre une fois pour toute, et de ne plus jamais y déroger, que la présence des Palestiniens est légitime en Palestine historique de la Méditerranée au Jourdain. Que la place d’un réfugié palestinien c’est sur les terres dont il est originaire, et nulle part ailleurs. Qu’après un siècle de dépossession, après le sang versé et la misère goûtée, les Palestiniens n’ont pas seulement le droit à la justice, ils ont aussi et surtout le droit à des réparations. Que les Palestiniens ne peuvent pas être tenus pour responsables d’un projet colonial qu’ils n’ont jamais demandé. Que les droits humains doivent toujours primer sur les logiques ethniques. Que les politiques colonialistes sont des entreprises aux logiques ethniques et aux multiples ramifications racistes. Que l’on ne viendra pas à bout des logiques colonialistes avec des propos incantatoires et des plans qui valident la colonisation. Qu’une solution à deux États c’est valider le résultat d’une entreprise coloniale, une dépossession et une multitude de crimes : une injustice. Qu’une structure étatique incapable de garantir une égalité des droits entre Israéliens et Palestiniens doit être démantelée. Que les intérêts impérialistes et les intrigues menés dans la région doivent être systématiquement dénoncés et stoppés.

Cette radicalité renouvelée doit s’incarner dans un antisionisme intransigeant, basé sur la dénonciation du nationalisme exogène et de la colonisation en Palestine, et qui ne doit pas céder une once de terrain à l’antisémitisme. Elle doit aussi s’inscrire dans un soutien aux luttes décoloniales et dans une condamnation sans complaisance de la colonisation européenne, vue comme une entreprise de domination ethnique et responsable d’innombrables crimes contre l’humanité. Cette radicalité se doit aussi de soutenir pleinement le mouvement Boycott, Désinvestissement et Sanctions, basé sur le droit international, rejetant apartheid et colonisation israéliens, et soutenant le droit au retour des réfugiés palestiniens. Ce mouvement issu de la société civile palestinienne, qui a essaimé partout dans le monde, produit un réel rapport de forces à même de contraindre un jour Israël à respecter le droit international et à produire une solution digne pour les Palestiniens. Enfin, cette radicalité doit aussi s’incarner dans la dénonciation sans relâche de l’impérialisme occidental, et états-unien surtout, dans cette région du monde.

En ces temps difficiles, les Palestiniens peuvent compter sur le soutien des Jeunes Communistes de la Loire qui condamnent l’occupation, la colonisation et l’apartheid israéliens et réclament le droit au retour des réfugiés palestiniens. Les Jeunes Communistes de la Loire condamnent le plan Trump qui avalise la colonisation israélienne et bafoue le droit international, et ils condamnent fermement les projets d’annexion de la Cisjordanie par le récent gouvernement d’union nationale israélien.

Publié par JC42 dans Communiqués, International

RÉOUVERTURE DES ÉCOLES A PARTIR DU 11 MAI : MESURE AU PROFIT DES ÉLÈVES OU AU SERVICE DU CAPITAL ?

Dans son allocation télévisée du 13 avril, Emmanuel Macron a annoncé pour le 11 mai prochain la réouverture progressive des crèches, écoles, collèges et lycées, sans en détailler les conditions ou les garanties pour la sécurité et la santé des élèves et des personnels de l’Éducation nationale. Les universités quant à elles ne rouvriraient pas avant l’été.

Pour justifier cette mesure, Macron utilise notamment l’argument de l’inégalité des élèves face à la pratique de l’école à distance. Cette inégalité est bien réelle mais l’argument est hypocrite lorsqu’il est utilisé par le représentant d’un gouvernement qui diminue les moyens financiers de l’Éducation nationale, laisse fermer des classes et des écoles, supprime des postes, précarise toujours plus les personnels, et promeut des réformes qui détruisent le cadre national des diplômes.

Dans le même temps, le président a annoncé que les «lieux rassemblant du public», restaurants, cafés, cinémas, etc. resteraient quant à eux fermés jusqu’à nouvel ordre, et que les grands événements, tels que les festivals, pourraient reprendre seulement à la mi-juillet.

Le président a aussi annoncé que des tests pourraient être proposés, mais uniquement pour les personnes présentant des symptômes du Covid-19.

Enfin le président a insisté une nouvelle fois sur la reprise du travail dans les industries, commerces et services du pays.
Nous sommes aujourd’hui très inquiets par ces annonces qui sont comme d’habitude très floues et pleines de contradictions, mais qui privilégient encore une fois les activités économiques au détriment de la santé de la population.

Nous avons néanmoins des raisons de l’être.
Nous savons aujourd’hui grâce aux scientifiques qu’environ 80% des personnes contaminées au coronavirus présentent une forme bénigne de la maladie, ou ne présentent pas du tout de symptômes.

Nous savons également que sans tests nécessaires fournis à l’ensemble de la population, ces personnes sans symptômes, dites «porteurs sains» ou «porteurs asymptomatiques» ont été jusque là à l’origine de la plupart des cas de contamination, et que les enfants rentrent tout particulièrement dans cette catégorie.

C’est pour ces raisons que les écoles avaient été parmi les premières structures publiques à fermer dans le pays, considérées à juste titre comme des lieux de haute transmission du virus.

Comment imaginer que les personnels et élèves pourraient ainsi reprendre le chemin des écoles le 11 mai prochain, sans avoir été massivement testés sérologiquement au préalable ?

Comment imaginer aussi que toutes les normes sanitaires pourraient être vraiment respectées, comme la distanciation sociale, dans des établissements accueillant plusieurs centaines voire milliers de personnes, dans des classes à souvent plus de 30 élèves, dans les cours de récréation, dans les cantines, dans les internats, dans les transports scolaires, etc, la plupart du temps dans des conditions ou des locaux qui ne peuvent pas s’y prêter.

Dans le département de la Loire, par exemple, au lycée François Mauriac à Andrézieux-Bouthéon, aux lycées Honoré d’Urfé et Claude Fauriel à Saint-Étienne, au lycée Beauregard et au Collège Mario Meunier à Montbrison, ce sont chaque jour plus de 1000 personnes qui circulent dans les mêmes locaux !

Les personnels de l’éducation le savent bien, il serait également extrêmement difficile de faire respecter l’ensemble des consignes sanitaires et des gestes barrières à l’ensemble des élèves, en particulier aux plus jeunes d’entre eux, dans les crèches ou écoles maternelles.
La reprise des cours dans ces conditions pourrait donc contribuer à de nouveaux cas de contaminations et à une deuxième vague épidémique dans le pays.

Si l’on tient compte de la situation chinoise, en particulier à Wuhan, les écoles ont d’ailleurs été les dernières structures publiques à rouvrir. Le Docteur Philippe Klein, directeur de l’hôpital international de Wuhan, a notamment déclaré hier à la presse : «Les écoles, c’est toujours ce qu’on rouvre en dernier, parce que c’est ce qu’on doit fermer en premier.»
Jusqu’ici, le gouvernement a été incapable de gérer cette crise sanitaire et a constamment privilégié les bénéfices des entreprises au détriment des services publics et de la santé de la population, en faisant des cadeaux aux patronat, en maintenant des installations et activités non essentielles aux besoins vitaux, en détricotant les droits des travailleurs et en multipliant les injonctions à retourner au travail, notamment par la voix de la Ministre du Travail, et sous le haut patronage du MEDEF et de la bourgeoisie.

Nous avons donc aujourd’hui de bonnes raisons de croire que cette réouverture programmée des écoles n’est qu’une nouvelle étape dans cette même logique, pour cette fois-ci sommer aux pères et mères de famille, s’occupant jusque-là de la garde de leur(s) enfant(s), de retourner à leur tour sur leur lieu de travail, afin de remplir le lot de travailleurs non-confinés au service du capital.

Le MEDEF ne s’y est d’ailleurs pas trompé en déclarant tout de suite après l’allocution présidentielle : «Nous sommes satisfaits que le président ait fixé un cap pour remettre le pays en marche, parce que c’est le signe que l’épidémie recule grâce au confinement, et cela permet aux entreprises de bien préparer la reprise, et aux enfants de retrouver le chemin de l’école.»

Quelle indignité quand nous savons que l’épidémie de coronavirus en France, loin de ralentir, a encore causé la mort de 574 personnes en 24 heures le 13 avril !
Ce qui compte pour eux, c’est bien la reprise immédiate du travail pour leurs profits, au mépris de la santé et de la vie des travailleurs !

Dans ces circonstances, nous ne pouvons que compter sur la mobilisation des parents d’élèves et des personnels de l’Éducation nationale, via leurs organisations syndicales. Si le gouvernement n’est pas capable de gérer cette crise sanitaire, les travailleurs, eux, le seront, et la Jeunesse Communiste de la Loire sera à leur côté pour les soutenir !
Il faudra en effet une réponse syndicale et politique forte pour organiser la riposte face à ces nouvelles annonces, inconscientes et pleines de danger pour les travailleurs comme pour l’ensemble de la population. Les personnels de l’Éducation nationale, comme tous les autres salariés, ne doivent pas être sacrifiés sur l’autel de l’économie capitaliste !

Restons prudents et mobilisés !
#NOUSNEPAIERONSPAS!

Publié par JC42 dans Non classé

LEURS SOUS, NOS MORTS : Le Capitalisme Tue, Préparons Un Autre Après !

À l’appel des Jeunes Communistes de la Loire et du Comité Antifa Saint Etienne : Création des Brigades de solidarité – Saint-Étienne

Voilà plusieurs semaines que le monde tourne au ralenti. En France, trois semaines de confinement se sont écoulées. Après les injonctions de Macron à ne renoncer à rien, le ton a changé : restez chez vous. Le télétravail balbutie et un pseudo enseignement à distance s’improvise dans la panique, dans la surcharge de travail surtout, pour les enseignants comme pour les élèves et les parents, accentuant les inégalités sociales et les difficultés scolaires d’une Éducation Nationale déjà si injuste. Les travailleurs précaires sont renvoyés, leurs contrats non-reconduits, sans aucune indemnité de compensation. Les entorses au droit du travail se multiplient. Les incohérences et les mensonges perdurent dans les discours gouvernementaux, tandis que leurs ordonnances attaquent ce qu’il restait de protection pour les travailleurs. Ceux qui sont confinés subissent les premières répercussions financières et psychologiques de l’isolement, et sont soumis à la surveillance et à la répression policière. Pendant ce temps les personnels de santé, les éboueurs, les aides à domicile, les caissiers et tant d’autres travailleurs restent en première ligne. De nombreux smicards sont désormais considérés comme les salariés essentiels qu’ils ont toujours été, mais qu’on n’a jamais voulu rémunérer. Macron les appelle des héros et incite à les applaudir mais il ne fournit à aucun les équipements nécessaires pour se protéger. Il les appelle des héros car il ne voit aucun problème à les laisser mourir en martyrs.

Cela fait des années que le personnel soignant conteste les politiques d’austérité menées par les gouvernements successifs qui ont voulu traiter l’hôpital comme une entreprise et la santé comme un bien spéculatif. Aucune réponse, hormis des matraques et du mépris. Pas faute d’avoir prévenu. «L’État compte les sous, on va compter les morts» : nous y sommes. Notre système social et de santé est en train de s’effondrer sur lui-même. Ou plutôt sur nous-mêmes. Leurs choix politiques nous ont condamnés. Nous n’avons pas de masques mais nous avons les preuves sous le nez. Dans les hôpitaux de la 7ème puissance mondiale en 2020, il y a pénurie de gel et de protections. La destruction de l’hôpital public, la casse de la Sécu et la privatisation de l’industrie sanitaire ont empêché tout dépistage massif, toute fourniture de matériel médical aux soignants, toute protection aux travailleurs exposés, tout moyen à la recherche. Et la mal-nommée «loi d’urgence sanitaire» a surtout donné tout pouvoir pour contourner le code du travail et les statuts de la fonction publique. Semaines de 60 heures, travail le dimanche, réduction du repos compensateur ; la voilà leur urgence. Ils n’apportent aucune réponse à la catastrophe sanitaire et piétinent les demandes des soignants: pas de budget, pas de matériel, pas d’embauche, rien. Rien sur la réquisition d’usines pour fabriquer du matériel médical, rien sur les tests de dépistage, rien sur les loyers et les factures que nous ne pourrons plus payer, rien sur les salariés forcés à poursuivre des productions non-vitales avec les risques que cela implique. Rien pour nous, rien pour les prolos, en bas-là. Rien pour les «gens qui ne sont rien». Mais 300 milliards pour garantir des prêts aux entreprises. Le système économique ou nos vies ; le gouvernement a choisi. Il y a longtemps que le capitalisme détruit et tue, mais cette fois il y a trop de morts en trop peu de temps et trop de preuves que c’était évitable. Dans son escalade au toujours plus, le capitalisme est démuni face à un imprévu ; cette pandémie est l’ultime révélateur de son échec. Le virus, c’est le capital.

La situation actuelle appelle de manière de plus en plus urgente à la résistance organisée et à la lutte pour un nouveau système. Il est désormais clair pour tout le monde qu’une société a besoin de constructions collectives pour fonctionner : des services publics, mais aussi des entreprises publiques. Nous avons besoin d’auto-suffisance alimentaire et de productions utiles, locales et planifiées, respectueuses des travailleurs et de la planète. Nous avons besoin de conditions de travail et de vie dignes et sûres. Le monde qu’ils nous imposent, c’est l’exact inverse : misère financière et sociale généralisée, surveillance et répression, course aux profits, écrasement des plus faibles, injustices, inégalités, exploitation, oppressions, aliénation, mépris de la vie. Nous valons mieux que ça, et dans toute son horreur cette pandémie nous le rappelle. Ils ont détruit nos services publics, vidé les stocks de matériel, supprimé des lits, menti, donné des protections aux bureaux de vote et des moyens aux entreprises plutôt qu’aux hôpitaux. Ils ont sacrifié des vies au nom des économies et des profits. Nous ne l’oublierons pas, nous ne le pardonnerons pas, nous ne les lâcherons pas. Nous pouvons vivre mieux.

Entre ce capitalisme à détruire et un idéal de société à construire, il y a un monde à faire émerger. Nous devons dès à présent construire des solidarités pour tenir et aider à tenir celles et ceux en première ligne, et esquisser ensemble un après possible, un après souhaitable. Un après sans eux. Surtout, pour lutter efficacement il faut lutter ensemble, c’est pourquoi nous proposons dès à présent de coordonner des actions de solidarité à destination des plus exposés et des plus fragilisés. Nous créons dès lors le groupe Facebook Brigades de solidarité – Saint-Étienne, conçu comme une plateforme de communication des besoins par les structures associatives déjà actives sur le terrain, ainsi que de mise en relation des demandes de toute personne dans le besoin et des propositions d’aide de tout volontaire. Courses et livraisons alimentaires, maraudes, assistance administrative, soutien scolaire, collecte et confection de protections à destination du personnel soignant… Oui, nous pouvons respecter les mesures de sécurité sanitaires tout en tissant des liens de solidarité concrète immédiate. Oui, nous pouvons rompre l’isolement sans trahir le confinement. Nous invitons toutes les personnes et toutes les structures qui le souhaitent à prendre contact avec nous via cette plateforme ou par mail (brigades.solidarite@gmail.com) pour s’engager à nos côtés dans ces actions de solidarité urgentes et nécessaires. Par ailleurs, nous appelons d’ores et déjà à ne reprendre ni le travail ni les cours à la sortie du confinement. Il ne doit pas y avoir de retour à la «normale». Nous appelons les stéphanois à une manifestation le jeudi suivant la sortie du confinement et nous attendons des syndicats l’annonce de grèves et de mobilisations partout en France.

À court termes nous revendiquons :

 la suspension immédiate et sans condition des loyers ainsi que des factures d’eau et d’énergie pour les particuliers
– la suspension des remboursements d’emprunt pour consommer ou se loger
– l’encadrement des prix de tous les produits de première nécessité
– la mise en place d’un programme public de distribution à domicile d’aide alimentaire et de matériel de prévention et de sécurité sanitaire
– le déblocage immédiat et sans condition de tous les moyens financiers et matériels demandés par les personnels de santé ainsi que l’embauche de personnel
– l’arrêt du travail et l’indemnisation des livreurs et de tous les salariés des industries non-vitales
– la protection sanitaire, contractuelle et financière des étudiants médicaux et paramédicaux réquisitionnés, l’arrêt du travail pour les autres apprentis et étudiants
– l’arrêt de l’enseignement et de la notation à distance, la validation d’office des examens pour tous les élèves et étudiants inscrits à un parcours de formation
– le maintien de tous les salaires à 100% et une indemnisation à 100% de leur ancien revenu pour tous les privés d’emploi et tous ceux qui ne peuvent plus exercer leur métier
– la suspension des licenciements et le renouvellement de tous les contrats de travail
– la réquisition des logements vacants et le relogement immédiat de toutes les personnes sans domicile fixe ou salubre
– la régularisation des demandeurs d’asile et des immigrés en attente de titre de séjour

A plus long terme :
– la titularisation de tous les personnels contractuels et stagiaires de la fonction publique
– l’abrogation de la réforme des retraites, de la réforme de l’assurance chômage et de toutes les mesures passées pendant le confinement
– la démission du gouvernement, la dissolution de l’Assemblée Nationale, et le jugement des responsables de la gestion catastrophique de cette pandémie
– la refonte et l’extension de la Sécurité Sociale en une seule et unique caisse, couvrant tous les risques de la vie, gérée uniquement par les travailleurs et pour les travailleurs
– le rétablissement et le rehaussement de l’ISF ainsi que la réquisition des fortunes et des biens de tous les exilés fiscaux
– des plans massifs de nationalisations et renationalisations démocratiques des grandes entreprises et entreprises des secteurs clés de l’économie
– la planification et l’orientation de la production ainsi que la redistribution des richesses en fonction des besoins

Aujourd’hui pour aider les innocents,
Demain pour faire payer les responsables,
Ne confinons pas la colère : organisons-la !

Face au Covid-19 et au capitalisme, solidarité et socialisme !

Publié par JC42 dans Actualités, Communiqués

LA JEUNESSE COMMUNISTE DE LA LOIRE CONDAMNE L’ATTITUDE IRRESPONSABLE DU FONDATEUR DU GROUPE SNF ET APPORTE SON SOUTIEN AUX SALARIÉS AINSI QU’AU SYNDICAT CGT SNF DE L’ENTREPRISE

 C’est avec stupeur que nous avons appris ces derniers jours dans la presse locale, que René Pich, fondateur et directeur général délégué de SNF, entreprise spécialisée dans le traitement des eaux à Andrézieux-Bouthéon, avait publié un communiqué interne à l’entreprise, informant qu’il avait importé de la chloroquine d’Inde, qui pouvait éventuellement être distribuée aux cadres de l’entreprise, en cas de contamination au Covid-19. Il est à noter d’ailleurs que Réné Pich avait agit en catimini, en n’envoyant cette note interne qu’aux cadres de l’entreprise et non à tous les salariés, mais fort heureusement le syndicat CGT a pu se la procurer avant de la dénoncer publiquement.

Au delà du débat actuel qui existe sur l’efficacité ou non de ce médicament, il nous parait totalement inouï et inconscient qu’un patron puisse ainsi jouer les apprentis-sorciers et pratiquer illégalement l’exercice de la médecine et de la pharmacie, mettant en danger la vie de ses salariés. D’autant que nous savons que la pratique de l’auto-médication, sans aucun avis médical et sans prescription de la part d’un médecin, a déjà causé des morts dans notre pays. Le fait que ces médicaments viennent illégalement d’Inde, via une commande internet, et qu’ils n’aient été soumis à aucun contrôle par les autorités de santé, ajoute à l’irresponsabilité de René Pich.

Dans ce contexte, nous saluons les organisations syndicales, et en particulier la CGT, qui par leur vigilance et leur réactivité ont permis de dénoncer cette pratique qui aurait pu s’avérer très dangereuse pour les salariés de l’entreprise. Depuis plusieurs mois et en particulier depuis le début de la crise sanitaire, le syndicat CGT SNF travaille d’ailleurs d’arrache-pied pour dénoncer les manquements aux conditions d’hygiène et de sécurité dans l’entreprise, ainsi que l’absence totale de dialogue social avec la direction et son mépris des salariés.

Ces derniers mois, Réné Pich avait notamment déjà fait parler de lui et s’était illustré par son mépris du danger, n’hésitant pas, en pleine crise sanitaire, à comparer les salariés qui souhaitaient rester confinés à des “rats”, à travers une autre note interne à l’entreprise.

À SNF et dans chaque entreprise, en France et dans le monde, toutes les mesures doivent être prises dès maintenant pour protéger la santé des salariés, en particulier l’arrêt immédiat de l’ensemble des installations et activités non essentielles aux besoins vitaux ! Les travailleurs n’ont pas à mettre leur vie en danger pour les profits capitalistes d’une bande d’exploiteurs !

Publié par JC42 dans Actualités, Communiqués

Tribune : CONFINEMENT, PSYCHIATRIE ET VALIDISME DES SOCIÉTÉS CAPITALISTES

Tribune rédigée par une de nos camarades, exposant son vécu et son ressenti du confinement.
CONFINEMENT, PSYCHIATRIE ET VALIDISME DES SOCIÉTÉS CAPITALISTES
C‘était quelque chose que nous avions anticipé avec beaucoup de crainte, nous autres dépressifs, drogués, psychotiques  et autres malades mentaux. Le confinement. L’isolement plus ou moins total.
Nous sommes malades. Nous avons besoin de soins.
Mais le confinement, c’est la grande majorité des psychiatres libéraux, psychologues, CMPs, suivis hospitaliers à domicile ; en fait la quasi-totalité de nos structures de soin qui ferment. Les lignes téléphoniques (si l’on oublie, pour beaucoup, l’angoisse du téléphone) sont saturées ou suspendues, ou parfois justes tenues par des bénévoles sans formation professionnelle sur les sujets qui nous concernent. Le confinement, pour les malades psy, c’est être livré à soi-même, sans soin, sans suivi, parfois même sans traitement médicamenteux.
Les dépressifs sans barrière contre les idées noires.
Les anorexiques en face de la parfaite occasion de s’affamer.
Les addicts en sevrage forcé, avec donc des risques accrus de rechutes ou conduites compensatoires dangereuses.
Les suicidaires encore plus prompts à passer à l’acte.
les boulimiques devant gérer leurs crises seuls.
Les anxieux en proie aux crises de paniques, amplifiées par le contexte ultra anxiogène d’une pandémie.
Et tellement d’autres encore.
Nous sommes malades. Mais la société, soit ne nous considère pas comme tels (c’est dans la tête voyons, fais des efforts ! ), soit ne considère pas utile de nous donner accès à des soins. Symptomatique du capitalisme, ce phénomène validiste est terriblement destructeur et met des vies en danger.
Les services psychiatriques hospitaliers eux aussi sont surchargés, et bien que ce fut déjà le cas avant la pandémie, ils doivent à présent gérer l’afflux des patients atteints du COVID-19. Le tri de ceux qui vivront et ceux qui mourront a déjà commencé. Les lits de réanimation sont en nombre insuffisants. Les plus âgés, dans un premier temps, ne sont d’ores et déjà plus prioritaires pour les respirateurs. La même chose est à craindre pour les malades mentaux. “Les malades mentaux passeront en dernier. Entre une personne saine d’esprit et un fou, vous prenez qui ? “, confie avec tristesse le psychiatre Mathieu Ballahsen, chef de pôle à l’hôpital spécialisé Roger Prévôt à Asnières-sur-seine (source : France 3 Centre-Val-de-Loire)
Du point de vue capitaliste, un “malade mental”, c’est des coûts, des aides à verser, des adaptations du travail (si tant est que la personne soit à même de travailler) ; pour le capitalisme, le malade mental est un frein au profit, comparé à une personne “saine”. Cette personne, sa vie, sera considérée comme ayant moins de valeur et sera placée à la fin de la liste d’attente.
Le fossé entre “fou” et “non-fou” devient encore plus visible en cette période de crise. Des aménagement, par exemple pour le télétravail (ou télécours) qui nous étaient auparavant si difficiles si ce n’est impossibles à obtenir, sont désormais généralisés  sans trop de difficultés. Nous sommes les grands délaissés médicaux de cette pandémie. Et si par malheur il advenait que nous étions pour certains EN PLUS précaires, il nous est d’autant plus évident que nous n’existons qu’à peine aux yeux d’une société préférant ses profits aux individus qui la composent.
Le système capitaliste nous prouve encore une fois qu’ils est fait par et pour une classe privilégiée au détriment des autres. La casse du service public, et dans ce cas précis des services psychiatriques, en est une preuve, l’abandon des personnes mentalement fragilisées, à risques et en difficulté en est une deuxième.
Parfois, c’est ce même capitalisme qui nous rends malade. Mais toujours, c’est lui qui nous maintiendra dans cette position.
Renverser le capitalisme, c’est assurer à chacun une chance.
Une chance de réussir, une chance de s’accomplir, une chance de guérir.
Renverser le capitalisme, c’est notre devoir à tous, et pour tous.
Publié par JC42 dans Non classé

Famille, foi et patrie : Contre la « Gauche Tradi »

Donald Parkinson conteste les appels à « une gauche socialement conservatrice » qui ont gagné en popularité depuis la défaite de Jeremy Corbyn lors des élections au Royaume-Uni.
(Publié initialement en anglais sur https://cosmonaut.blog/ )

Traduction par A.T.

Socialement conservateurs, économiquement de gauche

Les récentes élections au Royaume-Uni ont mis à l’épreuve la foi de beaucoup de gens. Pour des marxistes voyant la politique de classe comme la voie vers un monde d’émancipation, c’est un bien mauvais augure que de voir d’innombrables prolétaires voter pour un gang de pédophiles. Qu’importe ce que l’on peut penser de la social-démocratie ou des élections bourgeoises, ce fut une défaite pour la gauche. Le nationalisme a triomphé de politiques ouvrières classiques qui tentaient de revenir sur la scène nationale.

La défaite de Jeremy Corbyn face au Brexit a été perçue comme la validation d’une idéologie qui peut être résumée ainsi : « socialement conservatrice, économiquement de gauche ». L’argumentaire est le suivant : face au choix entre la redistribution économique et le nationalisme, la classe ouvrière a choisi le nationalisme. Par conséquent, si elle veut gagner, la gauche doit embrasser le nationalisme ainsi que les autres « habitudes » paroissiales[1] que l’on peut trouver au sein de la classe ouvrière. Le groupe d’influence « Blue Labour » en est un exemple récent, qui a au moins le mérite de défendre honnêtement et ouvertement cette ligne.

Le Blue Labour défend qu’une nouvelle majorité, une majorité silencieuse pour ainsi dire, serait en faveur d’un alignement entre conservatisme social et gauche économique. Il appelle à une politique qui serait « internationaliste et européenne » mais « ni mondialiste, ni universaliste, ni cosmopolite ». Il appelle à embrasser le paroissial contre l’universaliste, au nom de la résistance à la marchandisation du travail, ce qui n’est pas sans rappeler le « socialisme réactionnaire » dénigré par Karl Marx et Friedrich Engels. Cependant, plutôt que revendiquer le retour au féodalisme, le Blue Labour souhaite le retour à une économie fordiste où la famille et la nation sont stabilisées par un ordre social protectionniste.

Un article de Steve Hall et Simon Winlow a fourni à cet argumentaire sa justification théorique. Hall et Winlow dépeignent une fresque historique de la gauche britannique, qu’ils représentent comme une sorte de bataille menée par des réformateurs de classe moyenne s’efforçant d’imposer une moralité cosmopolite à une classe ouvrière socialement conservatrice. D’après Hall et Winlow, ces réformateurs se retrouvaient initialement dans des organisations telles que la Ligue de la Réforme et la Société Fabienne, entrant dans le Parti Travailliste pour imposer leurs idéaux de classe moyenne au mouvement ouvrier. Certes, mais Hall et Winlow accusent Engels de vouloir détruire la vie ouvrière pour ouvrir la voie au socialisme, et prétendent que l’Union Soviétique était une source d’inspiration pour les Fabians puisqu’il s’agissait « d’un système imposé, encore une fois, à la classe ouvrière par une avant-garde de classe moyenne ».

L’article s’aventure alors sur le terrain des théories du complot d’extrême-droite telles que le « marxisme culturel », prétendant que l’école de Francfort et les académiciens poststructuralistes n’étaient rien d’autre que la continuité de ces réformateurs de classe moyenne. On trouve là un récit bien expliqué par Christopher Lasch dans son écrit fondateur, La Révolte des Élites, dans lequel des technocrates de classe moyenne tentent d’imposer une mécanique sociale à un « peuple » sain, un peuple doté d’une saine révulsion instinctive pour tout modèle social imposé par le haut. C’est une vision du monde où tous ceux qui luttent pour des idées sociales progressistes au sein de la classe ouvrière sont, de manière inhérente, des « étrangers de classe moyenne » qui tentent d’imposer leurs manières à la population vertueuse.

C’est aussi une vision du monde qui, peu à peu, faisait surface depuis que des théoriciens marxistes tels que Michel Clouscard et Christopher Lasch se mirent à critiquer ce qu’ils percevaient être une superstructure narcissique et libertine qui renforçait et servait le capitalisme moderne, particulièrement après 1968. Aujourd’hui, des figures comme Angela Nagle et Aimee Terese réitèrent ces critiques à un public sur internet. L’ouverture des frontières et les politiques LGBT+ sont des cibles fréquentes, et on appelle la gauche à faire la paix avec le social-conservatisme qui (supposément) est dominant au sein de la classe ouvrière. Au même moment, Tucker Carlson attire l’attention sur une majorité électorale potentielle qui est « culturellement conservatrice et économiquement populiste », qui peut contester une « religion d’Etat de la politique woke[2] » et « l’élite de gauche ». Dans le journal American Affairs, précédemment pro-Trump, une approche plus intellectuelle est faite de ce genre de politique. Il semble qu’une tendance politique générale soit en train d’émerger à gauche comme à droite, se basant sur le principe qu’organiser la classe ouvrière et contester le capitalisme libéral signifient se tourner vers le conservatisme social, voire même embrasser les valeurs traditionnelles. Pour citer un tweet du podcaster de gauche Sean P. McCarthy :

« Pour moi, on dirait que la religion, la famille et l’Etat-nation sont toutes des choses qui donnent aux gens un sentiment de communauté et de devoir contre l’aliénation et la solitude du capitalisme tardif et la gauche devrait probablement se taire au lieu de parler de les abolir, et laisser les gens en profiter. »

Ici, on voit les trois catégories avec lesquelles la gauche est sensée faire la paix. La religion, la famille et l’Etat-nation ont été identifiées par la gauche comme étant des fétichismes idéologiques et des formes d’oppression et d’aliénation pendant longtemps. Ce n’est pas la déviation d’un « virage culturel postmoderne », comme certains aiment à prétendre pour tenter d’en appeler à une forme antérieure de la gauche où la classe était en première ligne. Parmi les bolcheviques, on trouvait des personnes comme Alexandra Kollontai, qui cherchait à dépasser la famille bourgeoise, tandis que ses camarades appelaient à un internationalisme radical qui ne cherchait aucun compromis avec le national-chauvinisme. Ces positions sont dans la continuité des convictions radicales inscrites dans le marxisme qui critique toutes les superstitions oppressives qui limitent le potentiel humain. Et pourtant, avec la gauche qui va plus que jamais de défaite en défaite, nombreux sont ceux qui pensent qu’il est temps d’abandonner ces convictions. Ils pensent qu’il est temps de faire la paix, voire même de se mettre à appeler à des traditions réactionnaires, au nom de la construction d’un mouvement qui pourrait effectivement défier le capitalisme néolibéral, à la fois économiquement et culturellement.

Nous appelons cette tendance « gauche traditionaliste », ou « gauche-tradi » pour faire court. Il s’agit d’une forme de populisme qui considère que la classe ouvrière a, intrinsèquement, moralement raison, qu’importe son niveau d’organisation ou de conscience politique. Voir le retard social comme un phénomène au sein de la classe ouvrière qu’il faut contester, c’est déjà capituler face à un moralisme petit-bourgeois qui s’intéresse plus à un universalisme abstrait qu’aux besoins directes des travailleurs. La classe ouvrière a peur des migrants, est aliénée face aux personnes trans, et est agacée par les féministes qui cherchent à les faire culpabiliser parce qu’ils désirent une vie de famille stable – c’est ce que défend un tel argumentaire. S’opposer à ces attitudes, c’est jouer le rôle de réformateurs de classe moyenne qui cherchent à imposer leurs valeurs progressistes aux travailleurs contre leur gré. Il en résulte que la gauche tradi appelle implicitement à un programme de frontières solides et de familles fortes ainsi qu’à un état providence paternaliste, tout en flirtant parfois avec la religion. Après tout, Staline lui-même n’était-il pas opposé à l’homosexualité, faisant des concessions à l’Église orthodoxe ?

Dans un article précédent, je critiquais des logiques similaires, bien que moins ouvertement en faveur du chauvinisme, en démontrant qu’une politique d’économisme se concentrant exclusivement sur des questions basiques était anti-marxiste plutôt qu’authentiquement marxiste. Cela étant, en appeler simplement au « marxisme véritable » pour démontrer que la gauche tradi se trompe ne nous aidera pas beaucoup dans la mesure où, à la base, la plupart des gens ne se considèrent pas comme marxistes. Faire la morale, ou traiter les gens de rouge-bruns de nous aidera pas non plus. Au lieu de cela, nous avons besoins d’arguments politiques solides pour démontrer qu’un économisme de « gauche » qui en appelle à la nation, la famille et l’église n’est pas la réponse aux problèmes que nous affrontons aujourd’hui, et ce particulièrement quand nous entamons le dialogue avec des communautés ouvrières qui tiennent elles-mêmes des sentiments conservateurs.

Nation

Commençons par la question de la nation. Le Blue Labour défend qu’une politique qui « s’oppose aux frontières et à l’idée de nation … ne peut pas développer d’histoire alternative de concept de nation démocratique, ni d’appartenance, ni de relations internationales. » Le postulat sous-jacent est que ce n’est que par le nationalisme et l’Etat-nation qu’un régime démocratique peut être construit, et puisqu’un régime démocratique est nécessaire à une politique de gauche, la gauche doit exalter la nation. Cela implique d’accepter les contrôles aux frontières pour limiter les migrations et se « préoccuper d’abord de nos travailleurs ». C’est une logique politique qui vise à affirmer l’Etat-nation dans un rôle de bouclier protecteur contre le pouvoir du marché mondial, avec le capitalisme néolibéral une contradiction entre souveraineté nationale et mondialisation. De véritables marxistes comme Wolfgang Streck ont fait ce genre d’allégations, défendant une distinction entre le « peuple de l’Etat » et le « peuple du marché » pour affirmer que sans une communauté nationale forte il n’y a pas de possibilité de s’opposer au capitalisme.

En suivant cette logique, diverses figures à gauche comme Angela Nagle et Paul Cockshott ont soutenu que la gauche devrait se féliciter plutôt que s’opposer aux contrôles d’immigration. Au final, cet argument suit un postulat tacite que les nationalistes d’extrême-droite ont répété depuis l’aube de l’Etat-nation : les programmes sociaux se basent sur une communauté ethniquement homogène. Par conséquent, si la gauche veut reconstruire un Etat-providence ravagé par le néolibéralisme, elle n’a d’autre choix que se faire l’avocate d’un Etat-nation fort pour préserver l’homogénéité de la nation face à l’immigration. Et plus elle tarde à le faire, plus elle perdra, comme Jeremy Corbyn.

Le Blue Labour affirme que rejeter le national signifie uniquement embrasser un « universalisme abstrait », contrairement à une communauté nationale concrète, existante. Depuis cet universalisme abstrait, impossible de former véritablement un régime ouvrier.  Et pourtant, ce que l’argumentaire semble oublier, c’est que les Etat-nations eux-mêmes furent, à un certain moment, rien d’autre qu’un universalisme abstrait. La révolution française a développé la nation moderne par une notion de citoyenneté universelle qui cherchait à garantir les droits de l’homme, et pour former l’état-nation une collection disparate de communautés agraires a dut être mobilisée au nom de ces droits. Par un processus de mobilisation et d’organisation politique, la nation abstraite est devenue une réalité politique concrète, centralisant diverses communautés au sein d’un gouvernement représentatif avec des droits, des devoirs et une langue commune.

S’il a été possible de faire cela pour l’Etat-nation originel, alors il est possible de prendre un internationalisme abstrait et d’en faire un régime concret. La Deuxième Internationale avait initié un tel projet, construisant une culture ouvrière qui s’orientait autour de la « culture de la manifestation », qui cherchait à construire un sentiment de communauté internationale au sein d’une fédération de parties nationaux.[1] En organisant la classe ouvrière autour de principes de solidarité avec les travailleurs de toutes les nations et en formant des institutions transnationales, il est possible de construire une communauté démocratique qui n’est pas enracinée dans une nation particulière. Cela ne sera pas facile ; la Deuxième internationale a finalement succombé face au nationalisme. Pourtant, dire que seule la nation fournit les bases nécessaires à la construction d’une communauté démocratique, c’est s’abandonner à la voie de la moindre résistance et ignorer les possibilités contenues dans l’histoire.

Si nous cherchons à construire cette communauté internationale de prolétaires, nous devons nous opposer aux contrôles d’immigration. Comme Donna Gabaccia le démontre dans son ouvrage Militants et Migrants, le processus de migration a toujours été décisif dans la formation de communautés ouvrières transnationales.[2] Dire que les contrôles d’immigration sont nécessaires parce que la nation est la seule manière pour les travailleurs de former une communauté politique, c’est s’imposer des conditions qui rendent les communautés ouvrières transnationales plus difficiles à former.

Un autre problème dans le fait d’embrasser l’Etat nation, est que nous entrons dans une crise mondiale de changement climatique qui ne peut tout simplement pas être réglée au niveau national. Développer le genre de réponse nécessaire face à la catastrophe potentielle à l’horizon va requérir une coopération au-delà de l’échelle nationale et œuvrer à une économie planifiée mondiale. L’alternative est que les nations soient en compétition pour avoir la chute la moins désastreuse, protégeant leurs populations respectives du pire tout en enfermant dehors ceux qui souffrent, les laissant comme sur un canot de sauvetage en train de couler. Il est impératif que l’humanité dépasse l’Etat-nation si elle veut survivre.

 

 Famille

« L’abolition de la famille » a pendant longtemps été une position controversée au sein des communistes, poussant Marx et Engels à l’aborder dans le Manifeste du Parti Communiste en se défendant d’attaques de droite. La réponse de Marx et d’Engels fut de montrer que la famille était déjà en train de disparaître face au capitalisme pour la majorité du prolétariat, une observation qui est faite aujourd’hui par la gauche tradi pour défendre qu’adopter les valeurs familiales est la conclusion logique d’une politique anti-capitaliste.
Je concéderais bien à la gauche tradi qu’« abolir la famille » ne soit pas vraiment un slogan porteur. Ce n’est pas tant parce que cela effraierait les travailleurs mais plutôt parce que ça n’exprime pas efficacement nos objectifs. Nous devrions être plus précis dans notre langage, et porter nos vues plus précisément sur le patriarcat. C’est la dépendance des femmes vis-à-vis de leur mari et des enfants vis-à-vis de leurs parents que nous cherchons à éliminer, pas la cohabitation de filiation et le soutien émotionnel qui va avec. Bien sûr, on trouve des gens à gauche comme Sophie Lewis qui voient un futur au-delà de la famille basée sur une maternité de substitution universelle, une vision qui semble plus conçue pour troller la gauche tradi qu’en tant que véritable programme politique. De telles visions sont véritablement aliénantes, et pourtant leur existence n’exige pas de réponse contradictoire de même envergure qui défende la famille traditionnelle.
D’après Christopher Lasch, la famille est un « havre de paix dans un monde sans cœur ». Si la vie sociale est réduite à une pure compétition économique entre des individus atomisés, alors la famille, pour ceux qui ont la chance d’en avoir encore une, est l’une des rares formes de communauté dont ils disposent. Il ne fait aucun doute que la destruction de la famille par le capitalisme, tout en ne laissant rien pour la remplacer, est une perspective plutôt sombre et psychiquement horrifiante. Cela étant, c’est une erreur d’idéaliser la famille en y voyant une échappatoire à l’aliénation du marché, quand pour de nombreuses personnes, la famille en elle-même est une forme d’aliénation directe et personnelle. Tout le monde ne vit pas dans un monde où leur famille est leur amie ; dans de nombreux cas, la famille peut être son pire ennemi. Nous pouvons faire mieux que valoriser une forme d’aliénation en réponse à une autre.
Plutôt que se rabattre sur la famille face à sa destruction sous le capitalisme, nous devrions chercher à créer un monde où le havre de paix de la famille n’est pas nécessaire. Plutôt qu’une société pleine de famille brisées, nous avons besoin d’une société où quelqu’un ne disposant pas d’une famille puisse prospérer aussi bien que quelqu’un dont la famille est intacte. Voilà ce que « abolir la famille » signifie vraiment : en finir avec les relations économiques de dépendance des femmes et des enfants vis-à-vis du patriarcat, pour que la filiation soit basée sur des relations volontaires d’amour et de communauté véritables. Cela impliquerait non pas de supprimer la capacité des parents à élever leurs enfants, mais plutôt de donner aux enfants l’option de quitter leur famille si elle est violente, tout en conservant des réseaux de soutien autres que la famille d’accueil et la misère qu’elle crée. Cela signifierait en finir avec le travail domestique gratuit des femmes qui reproduit la famille nucléaire, en socialisant le travail et en supprimant ses connotations genrées.
Sans parler du fait qu’une réaffirmation des valeurs familiales ne peut être fait qu’en se tournant vers une infâme culture patriarcale. Il nous faut comprendre que le patriarcat ne relève pas simplement du comportement des hommes, il s’agit d’un mode de production issu de l’histoire, doté de formes institutionnelles d’après lesquelles la femme et les enfants sont propriétés du père, produisant ce qui s’avère être essentiellement de l’esclavage pour reproduire le modèle du foyer comme unité
économique. Revenir à la famille traditionnelle exigerait de donner du pouvoir à cette unité économique en renforçant les conditions dans lesquelles les femmes sont fondamentalement la propriété de leur mari. Tant que la gauche tradi n’assumera pas cela et ne décrira pas les mesures qu’elle veut mettre en place dans ce but, tous leurs beaux discours sur les valeurs familiales ne sont que des postures relevant de la sous-culture.

Religion

 La question de la religion est loin d’être tranchée. Les croyances religieuses se sont trouvées être une force idéologique pour mobiliser les pires mouvements réactionnaires, tels que la Garde de Fer en Roumanie ou le coup d’état d’extrême-droite en Bolivie. Cependant, dans un même temps, le sentiment religieux a été utilisé pour mobiliser du côté du socialisme et de la décolonisation, comme avec la Théologie de la Libération catholique, ou le communisme national musulman. On pourrait dire qu’une politique de laïcité est préférable à un athéisme militant, ce dernier ayant fait plus de mal que de bien pour le projet communiste, en éloignant des sympathisants potentiels.

Cependant, pour la gauche tradi, la question de la religion va plus loin que déterminer si l’on peut avoir des croyances religieuses tout en étant un bon militant communiste. Pour une bonne partie de la gauche tradi, embrasser la religion va de pair avec un virage en direction du social-conservatisme. La raison est évidente : embrasser une analyse social-conservatrice est impossible sans déformer le marxisme. On peut trouver dans les doctrines religieuses un aspect éthique pour justifier les points de vue réactionnaires qu’ils voient dans la classe ouvrière. Il y a aussi un élément communautaire et collectiviste dans la religion qui, comme la famille, peut servir de « havre de paix dans un monde cruel » qui peut être mis en opposition à l’individualisme atomisant libéral. Le manque d’un cadre éthique (du moins explicite) dans le marxisme est un autre facteur, un système de croyance qui existe en opposition aux socialistes utopiques qui cherchaient à construire le socialisme sur la base d’idéaux éthiques.

Des exemples de socialistes se tournant au catholicisme ou à d’autres tendances religieuses sont principalement des épiphénomènes sur Twitter, mais il y a d’autres exemples plus célèbres, comme la catholique Elizabeth Bruenig, connue pour sa position anti-avortement. On peut trouver une tentative d’articuler de telles politiques au sein d’un programme dans le « Manifeste Tradinista », écrit par « un petit parti de jeunes socialistes chrétiens dédiés à l’orthodoxie traditionnelle, à une politique de vertu et de bien commun, et à la destruction du capitalisme, ainsi que son remplacement par une économie politique véritablement sociale. »

Le Manifeste Tradinista n’est fondamentalement rien d’autre qu’un shitpost venu d’internet, dénué de quelque pertinence historique que ce soit. Je ne m’y intéresse que parce qu’il s’agit d’un bon exemple de la nature contradictoire de la gauche social-conservatrice et des problèmes qu’il y a à se tourner vers des valeurs religieuses pour contrer le capitalisme libéral. Il commence par affirmer que le Christ est roi et que le régime devrait, par conséquent, promouvoir les enseignements de l’Église, de manière « autonome mais pas complètement séparée de l’Église ». On est donc face à ce qui semble être une sorte de théocratie douce, bien qu’il s’agisse d’une théocratie qui est sensée promouvoir la justice économique. La vision proposée de la justice économique est une sorte de proudhonisme, et qui n’est pas sans rappeler le distributisme catholique. La société de classe doit être éradiquée tandis que le droit à la propriété est affirmé. La solution est la promotion de coopératives ouvrières, chacun devenant propriétaire. Étant donné le développement des forces productives modernes, la faisabilité d’une telle vision relève du domaine de l’imagination.

Le rejet et la promotion simultanés du conservatisme sexuel est encore plus contradictoire. Nos auteurs catholiques se prétendent opposés « au racisme, à la misogynie, à l’homophobie, la transphobie et aux formes d’oppressions similaires », et affirment en même temps que « le mariage et la vie de famille devraient être particulièrement soutenus par le régime pour promouvoir le bien commun » tout en prenant une position « pro-vie » contre l’avortement. C’est une position qui peut avoir du sens pour l’idéaliste religieux, mais pour un marxiste, elle est dénuée de sens. D’après Engels, la femme était la première forme de propriété privée et l’institution de la famille est la base économique sur laquelle repose l’oppression des femmes. Porter une telle position reviendrait à appeler à l’abolition de l’obésité tout en soutenant l’industrie du fast-food.

Cette contradiction illustre le piège dans lequel les socialistes tradi se trouvent. En appelant à une économie de gauche et des valeurs culturelles sociales-conservatrices, ils ne reconnaissent pas que les valeurs conservatrices ne trouvent un écho que grâce à la division de la société en classes et les diverses formes d’oppressions qui les accompagnent. Les gens se tournent vers différentes structures traditionnelles telles que la famille et la religion en partie parce qu’elles servent d’abri pour se protéger des pires aspects de la société capitaliste. Il y a, bien sûr, la force d’habitude que ces comportements ont inculqué aux gens, et qui a la vie dure. Pourtant il est impossible de croire que le renforcement de la famille serait une composante d’un monde où l’égalité économique serait la norme, à moins que les femmes ne soient systématiquement exclues de cette norme afin d’éviter d’avoir à leur garantir une indépendance économique. En finir véritablement avec la société de classe implique par conséquent d’en finir avec le patriarcat.

On trouve aussi là un problème quand on tente de baser la politique sur la religion en générale, dans la mesure où l’éthique religieuse tend à être basée sur des assertions à priori qui ne sont pas sujettes à des questionnements plus poussés, et auxquelles on doit donc s’accrocher. Alexander Bogdanov qualifiait cela de « causalité autoritaire », un type de pensée qui voit la causalité comme ancrée dans une force supérieure qui existe avant toutes les autres causes.[1] La tradition religieuse voit l’œuvre du ou des dieux comme cette cause finale et par conséquent tient l’éthique comme découlant de ces dieux, la rendant indiscutable. Cela signifie qu’une compréhension collective et démocratique de ce qui définit la « bonne vie » est hors de question, puisque cette réponse est déjà prise comme objet de foi.[2] Ainsi, quand les Tradinista tentent de construire une politique de gauche pour le monde moderne, ils sont forcés d’accepter le dogme de l’Église catholique, qui est opposé à l’avortement, tout en prétendant simultanément être contre la misogynie, ce qui résulte en une politique incohérente.

Malgré ces contradictions, le désir d’une base éthique au-delà de l’analyse scientifique de l’histoire fournie par le marxisme est réel. Je pense que pour nous communistes, le nihilisme éthique n’est pas une position tenable. Une vision éthique de base est nécessaire. Peut-être pouvons-nous trouver cela dans l’éthique du républicanisme classique, un discours qui était implicite pendant tout le début du mouvement socialiste dans lequel Marx et Engels étaient ancrés. Ou bien, peut-être que la « construction de dieu » de Lounacharski est la solution, dans laquelle, dans le sillage de la destruction des vieilles religions, l’humanité doit construire un nouveau système religieux dénué de superstitions, pouvant fournir une base morale pour l’humanité. De telles fondations morales doivent être universalistes et basées sur la raison, pas sur un credo traditionnel qui n’est pas sujet à des questionnements poussés. Qu’importe ce que l’on pense de ces idées, se tourner vers les vieux dogmes religieux n’est pas la solution au problème, même sur des bases pragmatiques. Les sentiments religieux prennent leurs racines dans l’éducation et les expériences personnelles de chacun, et ne peuvent pas unir les masses des travailleurs autour d’une tâche humaine commune de renversement de la société de classes. Une approche pluraliste permettant la participation de socialistes religieux au sein d’un mouvement plus large, unifié autour d’une radicalité véritablement universelle, est préférable.

Le capitalisme libéral est-il intrinsèquement socialement progressiste ?

Dans ses débats, la gauche tradi insiste souvent pour dire que le capitalisme détruit tous les liens patriarcaux et traditionnels des vieilles communautés, créant ainsi un individu libéral atomisé qui peut être exploité par le capital. Julius Evola, l’ultime philosophe du traditionalisme, est connu pour avoir déclaré que le capitalisme est tout aussi subversif que le communisme. On ne saurait vraiment être en désaccord avec ça. Cependant à partir de ce postulat, un nouveau pas est franchi avec l’argument selon lequel s’opposer véritablement au capitalisme implique d’assumer ces formes traditionnelles et de les protéger de l’érosion qu’elles subissent à cause du capitalisme. D’après eux, être socialement progressiste n’est rien d’autre que faire le travail du capitalisme pour les capitalistes, et la gauche ne sera rien d’autre que l’avant-garde du libéralisme tant qu’elle continuera de rejeter le social-conservatisme.

Il faut se pencher un peu plus attentivement sur cette idée selon laquelle le capitalisme est intrinsèquement socialement progressiste et hostile au conservatisme social. Cela nous mène aux théories de Karl Polanyi et sa notion de « Double mouvement ».[1] D’après Polanyi, le capitalisme est unique de par sa tendance à incorporer tous les éléments de la vie sociale dans le nœud du marché, aliénant tout ce qui par le passé était inaliénable. En se concentrant sur l’Angleterre du XIXème siècle, Polanyi examina la transformation de communautés « naturelles », au sein desquelles le travail et la terre avaient une valeur intrinsèque qui était arbitrée par des relations de devoir personnel et d’obligation, et qui étaient désormais l’objet d’échanges abstraits. Là où le travail était alors arbitré par la tradition et les coutumes il porte désormais une étiquette donnant son prix, sujet aux caprices de l’anarchie du marché. Comme le dirait Karl Marx, « tout ce qui est solide se fond dans l’air. »

Dans la vision de Polanyi, ce mouvement du capital incorporant tout ce qui existe en-dehors de lui provoquera inévitablement un contre-mouvement pour protéger l’ordre social de cette corrosion, puisque le marché finira inévitablement par détruire les fondations même de son fonctionnement. Ce contre-mouvement peut prendre de nombreuses formes, depuis le protectionnisme national jusqu’au communautarisme ou à l’état-providence. Contre l’atomisation de l’humanité en denrées à vendre, il se trouve une affirmation des solidarités sociales qui visent à rétablir ce qui a été détruit. Ce contre-mouvement est perçu comme étant externe à la logique du marché, tout en étant en même temps nécessaire à son fonctionnement pour que la société ne sombre pas dans une guerre du chacun pour soi et contre tous.

Polanyi ferait un excellent théoricien pour la gauche tradi, puisqu’en utilisant son cadre d’analyse on pourrait en appeler à la revalorisation de la famille, de la nation et de l’église en tant que solidarités sociales pour fournir les fondations du contre-mouvement opposé au capitalisme néolibéral. Cependant, en identifiant le capitalisme aux seules logiques du marché et de la désintégration sociale, Polanyi surestime dans quelle mesure ces contre-mouvements sont véritablement externes au capital. Il établit une situation où toute réaction face au capitalisme sera intrinsèquement conservatrice, défendant et réaffirmant les modes de vies traditionnels qui ont été interrompus par le capitalisme. Pourtant, et si le mouvement du capitalisme et le contre-mouvement qui s’y oppose, le double mouvement, étaient internes au capitalisme, au lieu que ce dernier soit externe au premier ?

Melinda Cooper, dans son ouvrage Valeurs Familiales, développe précisément cette critique en observant le rôle de la famille dans l’histoire du néolibéralisme. Se basant sur l’ouvrage de Wendy Brown, Cooper affirme que le néolibéralisme et le néoconservatisme doivent tous deux être analysés comme une dialectique plus large au sein du capitalisme. Pour ce faire, elle se concentre sur le rôle de la famille dans la politique et le discours à la fois des néolibéraux et des néoconservateurs, démontrant comment les deux tendances politiques se sont impliquées pour maintenir la famille comme base d’une société fondée sur des contrats marchands. Des néolibéraux comme Gary S. Becker et Milton Friedman se sont servis d’inquiétudes quant à la fragilisation de la famille par les aides sociales pour promouvoir la réforme du système d’aides, non seulement comme mesure de réduction des coûts, mais pour promouvoir l’équilibre de la famille comme base fiable pour l’équilibre du marché.[2] Cela pousse à se demander si le néolibéralisme est vraiment doté d’une superstructure  intrinsèquement progressiste de libération sexuelle et hédoniste se séparant de la famille. Milton et Rose Friedman écrivaient dans leur livre, La Tyrannie du Statut Quo :

« Si nous avons raison et que le vent tourne, que l’opinion publique s’éloigne de la croyance en un gouvernement fort et en la doctrine de responsabilité sociale, alors ce changement … tendra à rétablir la croyance en une responsabilité individuelle en renforçant la famille et en rétablissant son rôle traditionnel.[3] »

Pour les néolibéraux, la famille était un ordre spontané qui se développerai une fois libérée des déformations de l’assistance publique et fournirait une base sur laquelle le marché pourrait s’épanouir. Les réformes néolibérales des aides sociales visaient à faire que ce soit la famille, et non plus l’état, qui absorbe le coût des externalités, ce qui signifiait que la réforme des aides visait bien plus qu’une simple réduction de budget, mais aussi à imposer la morale familiale. Pour les néoconservateurs, la famille devait être protégée activement, et pour cela, il fallait que l’état intervienne. Quand la famille ne s’est pas développée en ordre spontané du fait des réformes néolibérales, le néoconservatisme, en tant que force politique, était nécessaire pour réaffirmer la famille comme contre-mouvement. Cooper résume la relation des deux idéologies vis-à-vis de la famille ainsi :

« Si les néolibéraux étaient convaincus que les obligations économiques de la famille devraient être appliqués même quand les liens légaux et affectifs de filiation avaient été rompus, les social-conservateurs étaient résolus à raviver activement la famille en tant qu’institution morale fondée sur le travail non-rémunéré de l’amour. Les deux étaient en revanche d’accord sur le fait que ce serait à la famille (plutôt qu’à l’état) de tenir le rôle de première source de sécurité économique.[4] »

On peut voir le néolibéralisme et le néoconservatisme comme un exemple montrant comment le double mouvement de Polanyi est une dialectique interne au capitalisme lui-même, avec des contre-mouvements qui cherchent à réaffirmer ce qui est détruit par les forces du marché agissant pour faciliter la reproduction du capitalisme dans son ensemble. Il en résulte que les contre-mouvements qui prônent la famille ou la nation comme boucliers protecteurs contre les pires aspects du capitalisme n’offrent pas une échappatoire face au capitalisme ; au contraire, ils servent à le stabiliser. Par ailleurs, le libéralisme de marché n’implique pas forcément une superstructure progressiste. Les fanatiques capitalistes les plus résolus à incorporer toute vie au marché voient un grand rôle dans la vie de famille, même s’ils laissent sa promotion à d’autres forces politiques. Voir l’émergence de modes de vies et de sexualités alternatives comme étant simplement l’expression super structurelle du néolibéralisme est finalement trop simpliste ; c’est ignorer dans quelle mesure le social-conservatisme se synchronise avec le néolibéralisme.

Ce qui est nécessaire, c’est une alternative émancipatrice à la société de classe elle-même, qui puisse transcender la dialectique du marché libéral et du conservatisme social, plutôt que prôner l’un des deux aspects contre l’autre. La destruction du village et de la vie de famille dans le capitalisme crée néanmoins une communauté au sein du prolétariat qui est engagée dans le travail collectif sur le lieu de travail et dans la communauté, favorisant le potentiel d’une nouvelle communauté qui ne soit pas enracinée dans des modes de vies paroissiaux. La formation de cette communauté par des alliances transnationales en tant que collectivité politique permet d’ouvrir la voie, pour dépasser autant l’atomisation du marché que le nationalisme patriarcal.

La classe ouvrière est-elle naturellement conservatrice ?

Parmi ceux qui se servent d’arguments similaires à ceux du Blue Labour, tous n’ont pas forcément un attachement particulier pour la famille traditionnelle ou le nationalisme, mais pensent que la gauche doit simplement abandonner le progressisme social par nécessité pragmatique afin de susciter l’intérêt de la classe ouvrière. Cette notion est basée sur le postulat selon lequel la classe ouvrière est « naturellement socialement conservatrice » et que la mobiliser sur la question de la redistribution économique devrait prendre le pas sur les luttes pour la « reconnaissance » des personnes marginalisées.

Cette notion peut être trouvée dans un bilan récent des tous derniers travaux de Thomas Piketty par Jan Rovny. D’après Rovny, la tendance de vote d’après laquelle les fourchettes de bas revenus votaient à gauche tandis que les fourchettes supérieures votaient pour la « droite marchande » a été chamboulée par le processus de la désindustrialisation néolibérale. Si les plus riches votent toujours à droite, l’électorat majoritaire des partis de gauche ne se trouve plus parmi la classe ouvrière mais chez les professionnels de classe moyenne, souvent désignés par l’acronyme CMS (classe moyenne supérieure). Ce qui reste de la classe ouvrière est désormais récupéré par les partis populistes d’extrême droite, dans un renversement du réalignement politique du début du XXème siècle quand les partis politiques soutenus par une base ouvrière avaient des programmes socialement progressistes.

L’explication quant à pourquoi la gauche socialement progressiste fut en mesure de gagner la classe ouvrière est que le vieil équivalent de la « gauche brahmane »[1] (avec par exemple Jean Jaurès et Léon Blum) fut capable de repousser le conservatisme social intrinsèque de la classe ouvrière. Ces intellectuels de classe moyenne « ont transformé les tendances ouvrières autoritaires en une lutte pour le progrès social universel » et ont « remplacé les tendances nationalistes de la classe ouvrière par l’internationalisme socialiste ». Rovny est en désaccord avec l’optimisme de Piketty pour qui cela peut recommencer, pour deux raisons : d’une, la gauche est incapable de concilier les intérêts économiques de la classe ouvrière avec les intellectuels progressistes de classe moyenne, et par ailleurs les populistes de droite sont capables de parler des intérêts économiques de la classe ouvrière sans le bagage de progressisme social qui va avec.

Le problème de cet argumentaire est qu’il naturalise à la fois le conservatisme social de la classe ouvrier et le progressisme social des classes moyennes. Le social-conservatisme de la classe ouvrière n’est pas le résultat « naturel » de leur expérience de vie spontanée, mais le produit des institutions qui dominent leur vie. Les démagogues de droite, que ce soit dans les médias ou d’autres institutions telles que l’église, luttent activement pour dominer idéologiquement la classe ouvrière et canaliser les injustices économiques pour en faire des comportements chauvins. Le conservatisme ouvrier n’est pas une qualité intrinsèque de la classe ouvrière, mais quelque chose qui lui est inculqué par des acteurs politiques qui luttent activement pour la domination de la vie quotidienne. Il s’agit de quelque chose qui s’est construit de manière historique et institutionnelle, ce n’est en rien « naturel ».

Le progressisme social des couches moyennes relève d’un phénomène similaire, tout autant construit historiquement et institutionnellement. Ce progressisme social est lié au fait que cette couche a pour rôle de justifier idéologiquement le règne de la classe capitaliste. L’idéologie « woke » de cette couche est le produit du rôle qu’elle joue en tant que gestionnaire des ressources humaines pour un ordre capitaliste qui vise à exploiter ouvertement le prolétariat mondial et à gérer l’ordre impérialiste, tout maintenant une façade progressiste en proposant des opportunités économiques pour des populations marginalisées. Son progressisme social est conçu pour laisser autant d’espace que possible au capitalisme pour fonctionner tout en veillant qu’il laisse une chance à ceux qui était jusqu’ici exclus. Si le capitalisme n’avait plus besoin d’un tel masque progressiste, il faudrait alors s’attendre à ce que cette couche embrasse un chauvinisme ouvertement réactionnaire.

Voir les cadres petits-bourgeois comme étant intrinsèquement progressistes socialement, et la classe ouvrière comme étant fondamentalement socialement conservatrice, c’est nous pousser dans une position où toute tentative de lutter pour une politique véritablement communiste ne peut nous f    aire passer pour rien d’autre que des branleurs de classe moyenne qui cherchent à gaver la classe ouvrière avec une idéologie étrangère. C’est tout aussi méprisant envers la classe ouvrière que le sont les libéraux de classe moyenne que la gauche tradi condamne avec raison, parce que c’est partir du principe que la classe ouvrière est trop étroite d’esprit pour embrasser une vision du monde universaliste et progressiste. En vérité, la classe ouvrière n’a pas d’institution propre dans une grande partie du monde à l’heure actuelle, on ne peut par conséquent pas lui attribuer d’idéologie propre. Elle se retrouve ainsi être le jouet des portions socialement réactionnaires et progressistes de la classe dirigeante.

La leçon à tirer de tout cela est que nous devons lutter à la fois contre les démagogues social-conservateurs qui prêchent auprès de la classe ouvrière, et contre les couches moyennes « déconstruites » et exposer au grand jour leur hypocrisie. Si la droite est capable de dominer la vie sociale de la classe ouvrière par ses institutions et la gagner à ses propres discours, alors la gauche en est aussi capable. On l’a déjà fait par le passé, et il n’y a nul besoin de faire concorder leurs intérêts économiques avec ceux des couches socio-professionnelles supérieures. Cette lutte doit prendre place autant dans le domaine politique que sur le terrain de la vie quotidienne. Ce sera sûrement une lutte ardue, étant donné la domination exercée par nos ennemis et le manque de volonté de la gauche à se reconstituer une base ouvrière. On ne peut pas attendre de la classe ouvrière qu’elle adopte spontanément une ligne communiste émancipatrice, mais nous ne pouvons pas non plus abandonner des lignes communistes émancipatrices en échange d’un soutien facile en jouant sur les préjugés des gens. Le chemin sera pavé de défaites, telles que celle qu’on a pu voir au Royaume-Uni. Mais hors de question d’abandonner ; nous devons lutter pour la vérité, et pas sacrifier nos principes par démoralisation et par désir de victoires faciles.


1. Comprendre comme : de la petite communauté traditionnelle, aux pratiques et « habitudes » sociales conservatrices (NdT)

2. « éveillé », dans un contexte français on parlerait de « déconstruction » (NdT)

3. Kevin J. Callahan, Demonstration Culture: European Socialism & the Second International, 1889 -1914 (Leicester: Troubador Publishing, 2010)

4. Donna Gabaccia, Militants and Migrants: Rural Sicilians Become American Workers (New Brunswick: Rutgers University Press, 1988)

5. Pour une explication de la causalité autoritaire, voir : Alexander Bogdanov, Philosophy of Living Experience (Chicago: Haymarket, 2015), 19-20

6. Il ne s’agit pas de dire que les différentes religions n’ont pas développé d’interprétations différentes des dogmes de la foi, cependant celles-ci doivent néanmoins être acceptés à priori après que l’hérésie se soit développée.

7. Karl Polanyi, The Great Transformation: The Political and Economic Origins of Our Time (Boston: Beacon Press, 2001)

8. Melinda Cooper, Valeurs Familiales (New York: Zone Books, 2017), 59-60

9. Cité dans Valeurs Familiales, page 67

10. Cooper, 68 – 69.

11. Avec le déclin des syndicats, cela a eu pour contrepartie une moindre représentation des classes laborieuses. Piketty décrit cela comme l’émergence de l’élite de la “gauche brahmane” (Brahmin Left), qui peut être comparée à l’élite “marchande” (Merchant) à droite.

 

Publié par JC42 dans Non classé

Ni intersectionnalité, ni économisme : pour une véritable politique de classe

Article original de Donald Parkinson, publié le 07 Août 2019 sur Cosmonauttraduit de l’anglais par AT

Ni une politique de l’identité, fondée sur des théories intersectionnelles, ni des lectures du marxisme le réduisant à de l’économisme ne sont adéquates pour un projet socialiste moderne, c’est ce que défend Donald Parkinson.

Le socialisme est encore en majeur partie une sous-culture aux États-Unis, et tandis que l’on assiste à la croissance d’organisations telles que les Socialistes Démocratiques d’Amérique (DSA), des débats et des fissures variées apparaissent au sein d’elles, quant à l’approche correcte de politiques socialistes. L’un des débats les plus proéminents (non seulement au sein du DSA mais de toutes la gauche aux États-Unis) est entre des perspectives qui peuvent être classées en deux camps : les politiques identitaires, et l’économisme de « la classe avant tout ». Les politiques identitaires se concentrent sur des problématiques d’oppressions extra-économiques comme moyen de mobiliser les militants autour de groupes identitaires précis, ainsi que ceux qui se considèrent comme des alliés de tels groupes ; tout cela en se basant théoriquement sur la notion d’intersectionnalité. On parle souvent de « politique identitaire » pour tourner en dérision ces formes de militantisme, et il est souvent difficile de distinguer nettement politique de droits civils et politique identitaire. Il est parfois difficile de déterminer quelles critiques des politiques identitaires font simplement écho à des arguments de droite, et lesquelles portent effectivement des politiques socialistes et d’émancipation ; on verra souvent ce fait utilisé pour écarter toute attaque faite à la politique identitaire. Une réaction en vogue face à l’avancée des politiques identitaires se trouve être une sorte d’économisme social-démocrate, qui cherche principalement à construire une coalition politique la plus large possible, autour de questions économiques basiques tout en évitant toute question politique perçue comme pouvant semer la discorde. Mon but ici est de démontrer que ces deux approches sont des impasses.

Parmi les auteurs décrits comme des exemples de politique identitaire, on trouve Ta-Nehisi Coates, Bell Hooks et Kimberlé Crenshaw. Pour cet article, nous nous concentrerons sur Crenshaw, qui a délimité les contours de la théorie de l’intersectionnalité dans ses articles « Démarginaliser l’intersection de la Race et du Sexe : une critique Féministe Noire de la Doctrine de l’Antidiscrimination, de la Théorie Féministe et des Politiques Antiracistes » et « Délimiter les Marges : Intersectionnalité, Politique Identitaire, et Violences faites aux Femmes de Couleur ». Dans « Démarginaliser », Crenshaw examine l’expérience des femmes noires et la forme unique d’oppression qu’elles subissent, comme quelque chose qui ne peut pas être purement compris sur l’axe du genre, ou de la race. Elle donne l’exemple du procès DeGraffenreid contre General Motors où cinq femmes noires poursuivaient General Motors pour discrimination contre les femmes noires, citant le fait que l’entreprise n’avait pas embauché une seule femme noire de 1964 à 1970, et avait par la suite licencié un nombre disproportionné de femmes noires grâce au système d’ancienneté. Crenshaw souligne le fait que ces tentatives de poursuivre GM avaient été contrées en montrant qu’ils avaient embauché des femmes, bien que blanches, ainsi qu’en ressortant un procès antérieur contre les discriminations raciales à l’encontre des hommes noirs. Bien qu’il ait été démontré que GM ne discriminait pas ses employés simplement en fonction du genre ou de la race, Crenshaw démontrait que GM pratiquait des politiques discriminatoires à l’encontre de l’identité spécifique des femmes noires. Ainsi donc, se contenter d’utiliser les catégories de race ou de genre ne suffisait pas ; il fallait comprendre comment ces oppressions s’entre-croisaient de certaines façons spécifiques. Pour citer Crenshaw,

« Le refus de la cour de reconnaître, dans l’affaire DeGraffenreid, que les femmes Noires subissent des discriminations racistes et sexistes de manière combinées implique que les frontières de la doctrine de discrimination de genre et de race sont définies respectivement par les expériences des femmes blanches et celles des hommes Noirs. Dans cette vision, les femmes Noires ne sont protégées que dans la mesure où leur expérience coïncide avec celles de l’un des deux groupes. »i

Crenshaw tire la conclusion suivante : l’oppression des femmes noires ne peut être comprise comme étant basée soit sur le genre soit sur la race, mais comme étant à l’intersection de ces deux axes. Elle décrit cela sous le terme de double discrimination, similaire à la discrimination subie par les hommes noirs ou les femmes blanches, mais néanmoins unique et irréductible à l’un ou à l’autre. Utiliser indépendamment soit la catégorie de la race, soit celle du genre, ne peut que faire de l’ombre à la véritable discrimination qui est vécue. Pour approfondir sur le sujet, Crenshaw explore les expériences de la vie de Sojourner Truth et comment elles ont remises en cause non seulement les notions conventionnelles de féminité mais aussi les notions de femmes noires comme étant moins que des femmes. Dans ce contexte, l’expérience de Sojourner Truth, subissant des oppressions à la fois raciales et de genre, indiques l’incapacité de la plupart des formes de féminisme à parler des expériences des femmes noires, et ne parlent par défaut que des expériences de femmes blanches. D’après Crenshaw, quand le féminisme parle des problèmes vécus par les femmes, on suppose tacitement que le sujet de la discussion est une femme blanche. Les femmes noires, subissant un statut unique d’oppression, sont ainsi laissées hors du cadre.ii

A première vue, il n’y a pas grand-chose de véritablement discutable dans les affirmations de Crenshaw. Les femmes noires souffrent clairement d’une forme de double oppression. Crenshaw réussit à montrer non seulement comment ces formes entre-croisées d’oppressions existent, mais aussi qu’elles sont dissimulées par le système judiciaire. Pourtant, ce qui manque dans son argumentation, c’est l’élément d’analyse de classe, comme Mike Macnair l’a souligné. Le procès DeGraffenreid contre General Motors, par exemple, est tout autant l’expression du pouvoir de classe inscrit dans la loi bourgeoise, qu’il est l’expression de l’incapacité de la loi à traiter correctement les expériences d’oppressions cumulées. Ce que Crenshaw ne mentionne pas, c’est que ces procès était l’expression d’entreprises capitalistes se servant de la loi pour que leur force de travail reste une ressource malléable, embauchable et jetable à loisir.iii Ceci ne peut être simplement compris en termes de discrimination, mais en tant qu’élément de l’exploitation structurelle, du fait des relations de classes régissant la production capitaliste. Quand une analyse intersectionnelle traite effectivement de classe, elle tend à ne le faire qu’en termes de discriminations faites à l’encontre d’individus sur la base de leurs origines sociologiques, parlant alors de « classisme ».

L’intersectionnalité pêche également par sa fonction purement descriptive, plutôt qu’explicative. Elle démontre que des individus vivent des oppressions, de façons diverses et cumulées, mais elle n’explique pas comment ces oppressions sont reproduites dans la société. L’analyse marxiste du racisme et du patriarcat cherche à comprendre comment ces oppressions sont rattachées à la reproduction sociale, et donc qu’elles peuvent être abolies en changeant la société. Du fait que ses origines se trouvent dans la théorie juridique, l’intersectionnalité cherche à décrire l’expérience de diverses oppressions et à mettre un terme à la pratique de ces oppressions dans le cadre de la loi et de l’ordre bourgeois. Il en résulte que l’objectif principal de la pratique militante associée à l’intersectionnalité, appelée communément justice sociale, est de rendre les relations sociales existantes plus équitables (ou plus justes) pour les opprimés, au lieu de changer les fondations de la société. Parce qu’elle est privée d’une critique de la manière dont les oppressions sont reproduites dans la division du travail et des relations de classe de la société, elle cherche à opérer de changements dans la pratique juridique ou dans les habitudes sociales de la société. Bien que les pratiques juridiques et les habitudes sociales soient certainement matérielles et structurelles, et que nombre des changements proposés soient souhaitables, il est nécessaire que nous placions le combat pour de telles réformes au sein d’un cadre et d’une stratégie de changement révolutionnaire plus vastes, afin de remettre en cause non seulement certains aspects injustes de la société, mais aussi les bases sous-jacentes de notre société fondamentalement oppressive dans son ensemble.

La pratique politique associée à l’intersectionnalité tend à prendre la forme d’un militantisme et de coalitions concentrés sur une seule question, ainsi que les formes individuelles de conscientisation (telles que checker ses privilèges, etc.) L’accent mis sur les oppressions que des groupes spécifiques vivent peut mener à croire que seuls les membres du groupe opprimé spécifique en question peuvent mener des campagnes militantes. Cela crée une politique fragmentée où dans certains cas extrêmes, seul « l’intérieur du groupe » peut s’exprimer sur une certaine question, tandis que « l’extérieur du groupe » ne peut rien faire d’autre qu’écouter et soutenir leur lutte comme « alliés ». Cet aspect de la politique identitaire, ou politique « woke »[1], est l’aspect le plus important à critiquer, puisqu’en pratique il mène à un effondrement de la solidarité et exclue la possibilité d’un projet pour l’émancipation universelle de l’humanité.

Les théories d’intersectionnalité de Kimberlé Crenshaw ont eu une vaste influence sur ce qu’on appelle la politique identitaire

Il faut noter que Crenshaw précise que « l’intersectionnalité n’est pas proposée comme quelque toute nouvelle théorie totale de l’identité » et qu’elle ne « voudrait pas suggérer que la violence à l’encontre des femmes de couleur peut être expliquée uniquement par le cadre spécifique de race et de genre étudié ici. »iv Elle ajoute aussi que les questions de classe et de sexualité sont d’une grande importance, bien qu’elles ne soient pas mentionnées explicitement. Néanmoins, indépendamment de la manière dont Crenshaw voulait que sa théorie soit utilisée, elle devenue est sans aucun doute une référence constamment invoquée à gauche. Pour comprendre le débat au sein de la gauche sur la politique identitaire, on ne peut pas ignorer les travaux de Crenshaw. Il faut ajouter que Crenshaw ne fut pas la première théoricienne à traiter de l’oppression unique aux femmes noires. Des théoriciennes telles qu’Angela Davis et Claudia Jones se sont également penchées sur les manières dont la race, la classe et le genre interagissent, mais dans un cadre spécifiquement marxiste. Quand nous parlons d’intersectionnalité, nous parlons des théories précises développées par Crenshaw, et non pas d’une analyse qui implique les catégories raciales et de genre ainsi que la classe. On pourrait aller même jusqu’à dire que l’intersectionnalité est une récupération fondamentalement libérale de critiques marxistes qui ont existé au sein du mouvement socialiste depuis un certain temps.

A gauche, on trouve une quantité foisonnante de critiques des théories intersectionnelles et de la politique identitaire. « Exiting the Vampire Castle » par Mark Fisher en est un exemple célèbre. C’est une description et une critique des comportements cruels et anti-solidaires associés au « woke-isme », où les individus contrôlent le langage des autres de manière souvent arbitraire, l’atmosphère étant marquée par une « odeur de mauvaise conscience et de moralisme de chasse au sorcières ».v« Exiting the Vampire Castle » fut reçu à grand renfort de vitriol, car il était perçu comme faisant écho à des arguments conservateurs et attaquant la gauche d’une façon qui se concentrait sur ses excès et les exagérait. D’autres trouvèrent que l’analyse de Fisher trouvait une résonance avec leur expérience négative de la gauche. Quoi qu’on pense des arguments de Fisher, ils étaient symptomatiques d’un sens plus vaste d’insatisfaction à gauche vis-à-vis de la politique identitaire qui mènerait à son propre contre-mouvement.

Adolph Reed Junior est l’un des théoriciens principaux de ce contre-mouvement. Bien que Reed écrive depuis les années 70, sa critique de la politique culturelle (et tout particulièrement de la politique Noire) a gagné en pertinence à partir du moment où beaucoup de gens à gauche se sont essayés à construire une négation de la gauche « woke ». D’autres tels qu’Adam Proctor, de l’émission en podcast Dead Pundits Society et Angela Nagle, autrice du livre Kill All Normies, ont marché dans ses pas. Certains de leurs opposants prétendent que ces auteurs forment une tendance connue sous le nom de « la classe avant tout » et sont associés à la « dirtbag left »1. Reed est le plus intelligent et le plus intéressant de ces personnalités, c’est donc principalement sur son œuvre que nous nous pencherons. Il est surtout connu pour son interprétation de la politique identitaire en tant que forme de la politique de classe néolibérale représentant une faction de la petite-bourgeoisie. Il résume son analyse ainsi :

« La politique [identitaire] n’est pas une alternative à la politique de classe ; c’est une politique de classe, celle de la gauche du libéralisme. C’est l’expression et le pouvoir actif d’un ordre politique et d’une économie morale dans laquelle les forces du marché capitaliste sont considérées comme étant naturellement incontestables.

Le déplacement de la critique du résultat individuel produit par un pouvoir de classe capitaliste en des catégories d’identité proclamées et naturalisées de manière égale, qui nous classent dans des groupes supposément définis par ce que nous sommes en essence, plutôt que ce que nous faisons : voilà un élément fondamental de cette économie morale. Comme j’ai pu le soutenir, en suivant ainsi Walter Michaels et d’autres, au sein de cette économie morale, une société dans laquelle 1 % de la population contrôle 90 % des ressources pourrait être juste, à condition qu’environ 12 % de ces 1 % soient noirs, 12 % autres soient Latinos, que 50 % soient des femmes, et que le reste soit proportionnellement composé de personnes LGBT.

Il serait difficile d’imaginer un idéal normatif qui exprime plus clairement la position sociale de personnes qui se reconsidéreraient candidats à l’inclusion, si ce n’est dans la classe dirigeante, sinon au moins à des positions de direction importantes. »vi

Reed développe cette thèses dans son analyse politique depuis les années 70, et son œuvre est plus que méritante. Sa critique d’une politique s’éloignant de l’économie et de buts matériels objectifs, pour viser un but exclusif de changement culturel, est certainement valide quand on observe la déconnexion complète entre la gauche et le mouvement ouvrier, et son incapacité à obtenir de véritables victoires qui dépassent le symbolique. Beaucoup des travaux de Reed se penchent sur les problèmes de la politique des Noirs américains, qui selon lui court en permanence dans des impasses, de par son insistance sur l’organisation de coalitions basées sur l’identité, autour de questions d’anti-racisme. D’après lui, l’antiracisme est devenu une forme de politique visant à alimenter la légitimité d’une certaine élite au sein de la communauté noire, qui s’est formée dans le sillage du Mouvement des Droits Civiques, s’accrochant à ce mouvement et à ses tactiques malgré leur inadéquation dans les circonstances actuelles.vii

L’une des cibles précises de Reed, c’est la demande de réparations. Je ne cherche pas à refaire ici le débat sur les réparations et leur rôle dans un programme politique ; la logique générale de l’argumentation de Reed est ce qui est important. Bien qu’il montre des problèmes tels que la difficulté de déterminer précisément qui obtiendrait des réparations, le véritable argument de Reed est que ce n’est tout simplement pas faisable politiquement. Pour lutter pour des réparations, il faudrait obtenir le soutien d’une majorité d’électeurs, et dans la mesure où les Noirs américains ne constituent pas une telle majorité aux États-Unis, il n’y a pas de manière viable de faire cela. Il défend une alternative – quelque chose comme le New Deal, un mouvement large qui lutterait pour « un accès à une couverture santé de qualité, un droit à un gagne-pain décent et digne, à un logement abordable, à une éducation de qualité pour tous…[ un tel mouvement] ne pourrait être effectif qu’en luttant pour unir une large portion de la population américaine, qui est privée de ces aides sociales indispensables, ou bien vit dans la crainte de les perdre. »viii

Au cœur de son argument, on trouve l’allégation suivante : la politique doit s’éloigner autant que possible de questions conflictuelles, et au lieu de cela, doit se concentrer sur des questions économiques basiques afin d’obtenir le soutien de la majorité. Si l’on suit cette logique, alors lutter pour le socialisme n’a plus de sens, puisque cette question risque de trop diviser. Cela implique plutôt que nous devions nous concentrer sur des campagnes réformistes pour étendre l’état-providence. Reed a rendu claire cette position. A la Convention Internationale de Platypus en avril 2015, Reed a admit qu’il désirait le socialisme, mais a soutenu qu’un « nouveau Front Populaire » qui « avance pas-à-pas » pour « démarchandiser les services publics » tout en évitant la question du socialisme, voilà ce qui était nécessaire à l’heure actuelle, et que seulement après que tout cela ait fait monté la conscientisation, on pourrait aborder la question du socialisme.ix

Ce que défend Reed, c’est fondamentalement une répétition de la social-démocratie de droite de l’après-guerre : un appel aux intérêts matériels des travailleurs les plus basiques, qui évite les questions politiques conflictuelles. Bien évidemment, les socialistes doivent lutter pour ces intérêts matériels basiques, mais ne répondre qu’à ces questions seulement, c’est tomber dans le problème que Lénine avait défini sous le terme d’économisme dans son ouvrage Que faire ?. L’utilisation du terme par Lénine (et la manière dont on l’utilise ici) s’inscrivait dans le contexte d’une polémique avec les marxistes russes, qui étaient convaincus que l’organisation socialiste devrait se concentrer uniquement sur les luttes syndicales, laissant les questions politiques dépendant d’oppressions extra-économiques aux réformateurs libéraux. Les économistes pensaient que la lutte économique serait suffisante pour que les travailleurs développent une conscience socialiste, même sans une lutte politique menée activement par les socialistes. A l’opposé de cette approche, Lénine insistait sur le fait que « le social-démocrate ne doit pas avoir pour idéal le secrétaire de syndicat, mais le tribun populaire sachant réagir contre toute manifestation d’arbitraire et d’oppression, où qu’elle se produise, quelle que soit la classe ou la couche sociale qui ait à en souffrir .»x La plupart des réactions à la montée de politiques identitaires populaires sont fondamentalement une forme d’économisme, prétendant que l’on doit se concentrer sur les questions économiques et baser notre politique uniquement sur ces questions-là.

L’économisme est effectivement incapable de mener à quoi que ce soit au-delà du système capitaliste par lui-même. Les luttes pour étendre les services d’aides sociales, pour de meilleurs salaires et conditions de travail sont une base indispensables à la lutte des classes. Cela dit, de telles luttes apparaissent spontanément du fait de dynamiques du capital lui-même, dans la mesure où le capitalisme est un système dynamique qui peut s’adapter aux nouvelles demandes qui lui sont faites. Si nous cherchons à lutter pour un nouvel ordre politique, il est nécessaire d’aller au-delà de ces luttes spontanées, et au contraire de souligner la nécessité d’un nouvel ordre politique, pour faire de la lutte économique une lutte politique. En se concentrant uniquement sur des revendications économiques basiques afin d’éviter tout type de question politique qui pourrait créer des divisions, on peut facilement tomber dans une logique de social-chauvinisme, où le mouvement évite de prendre quelque position polémique aux yeux de l’ordre capitaliste, au nom de la conservation d’un électorat aussi vaste que possible. Face à des questions politiques telles que l’impérialisme, le racisme et l’oppression de genre, cette stratégie mène à ce que le mouvement consente à prendre le chemin d’une résistance amoindrie, par crainte d’entrer en contradiction avec les masses.

Une telle logique a mené à des résultats tristement bien connus, tels le soutien du SPD allemand à la Première Guerre Mondiale, l’AFL aux États-Unis soutenant la Loi d’Exclusions des Chinois, ou bien des travailleurs en grève exigeant que les femmes n’aient pas accès à l’emploi afin de réduire le chômage durant la Grande Dépression. C’est une logique née d’un accent mis sur l’obtention et la conservation d’un électorat et d’un bénéfice économique maximum au sein de la logique globale du capitalisme. On pourrait dire que la Nouvelle Gauche, et plus tard la politique identitaire intersectionnelle, sont apparues en réaction à ce social-chauvinisme de gauche, identifiant alors l’accent mis sur la classe comme la cause de ces trahisons. Mais face à l’éclatement de la fauche en une myriade de groupes identitaires qui ne peuvent s’unir que par des coalitions, la logique menant à se concentrer sur les questions économiques a un intérêt certain. C’est par les luttes économiques que les différents groupes identitaires pourront s’unir en un projet commun, au-delà des différences culturelles. Là où les économistes se trompent, c’est qu’ils ne voient pas la classe comme un moyen d’unifier l’humanité dans un projet commun pour toute l’humanité, mais plutôt comme une catégorie qui, tout comme les groupes identitaires, doit négocier afin d’obtenir la meilleure position possible dans le cadre existant de la société.

Il est crucial de nous souvenir pourquoi Marx et Engels voyaient la classe ouvrière comme étant une classe révolutionnaire. Ce n’était pas uniquement du fait de leur capacité à retirer collectivement leur force de travail lors de grèves pour imposer leurs revendications auprès de leurs employeurs. C’était plutôt que le prolétariat, défini comme étant composé de ceux qui dépendent d’un salaire payé par les capitalistes, ne pouvait obtenir l’émancipation qu’en s’unifiant en une classe toute entière par-delà de nombreuses divisions de secteurs et en remplaçant collectivement l’appropriation privée des moyens de productions par leur gestion démocratique de la société. De part son existence collective en tant que classe, le prolétariat contient en lui-même la clef de l’émancipation de l’humanité.

Comme Mike Macnair le présente éloquemment,

« Ce n’est pas la force des travailleurs salariés au point de production qui poussa Marx et d’Engels à être convaincus que la clef du communisme est la lutte pour l’émancipation du prolétariat et vice versa. Au contraire, c’est la séparation entre le prolétariat et les moyens de production, l’impossibilité de revenir à l’échelle de production familiale, et conséquemment le besoin pour le prolétariat d’une organisation collective et volontaire, qui les mena à supposer que le prolétariat est une potentielle « classe universelle », que ses luttes sont capables de mener au socialisme et à une société véritablement humaine. »xi

Pour Marx, la classe ouvrière n’était pas juste un groupe opprimé qui était désavantagé ou discriminée par des lois injustes, mais une portion de la société dont l’émancipation incluait « celle de tous les êtres humains, sans distinction de sexe ou de race. »xii L’accent mis par Marx sur la classe n’était pas fait pour contourner les questions d’oppression nationale ou de genre, mais pour servir d’axe unificateur au-delà des différents groupes au sein d’un projet social plus grand – l’émancipation universelle. Contrairement à l’intersectionnalité de Crenshaw, la classe est une catégorie qui a un rôle fondamental dans la politique socialiste, au-delà de celui des autres groupes identitaires, et contrairement à l’idéologie économiste, la libération du prolétariat ne se résume pas à la libération de la classe ouvrière, mais la destruction de « toutes les conditions de vie inhumaines dans la société contemporaine ».xiii

Il ne s’agit pas d’ignorer ou de mettre de côté les revendications politiques basées sur l’identité. Faire cela par crainte de la division crée le danger, mentionné plus haut, de glisser dans le social-chauvinisme. Nous ne pouvons pas plus tolérer une politique ignorant la classe, que nous pouvons tolérer une politique qui « ignore les couleurs ». Les oppressions de race et de genre dépassent la classe, c’est à dire que le racisme n’est pas vécu uniquement par les prolétaires noirs. Les groupes identitaires ont donc l’expérience d’oppressions allant au-delà de la classe et peuvent donc unifier autour de cette expérience de l’oppression. Mais au sein de ces groupes identitaires, des divisions de classe existent qui influencent l’expérience individuelle de l’oppression et les stratégies pour lutter contre elle. C’est là qu’intervient l’un des plus importants aspects de la critique de Reed. Les élites au sein d’un groupe identitaire tendent vers des politiques « d’intermédiation », essayant de manœuvrer au sein du système pour garantir une solution aux problèmes politiques tout en conservant leur position de classe. Il en résulte que la politique identitaire peut donner lieu à des mouvements qui servent principalement la bourgeoisie, tout en laissant le prolétariat de côté. Le meilleur exemple est donné par des mouvements qui tendent à se concentrer uniquement sur l’ascenseur social en faveur de groupes opprimés.

Un économisme qui « ne voit pas les couleurs » mènera la classe ouvrière à l’échec

Pour les marxistes, la réponse à cette question ne doit pas être d’ignorer les luttes des groupes opprimés en faveur d’une conception puriste de la lutte économique, mais de révéler les antagonismes de classe au sein des groupes identitaires et de lutter pour que ce soit le prolétariat qui mène ces luttes. Pour paraphraser Lénine et sa citation plus haut, nous ne devons pas nous contenter d’être les « secrétaires du syndicat » mais des « tribuns du peuple » qui « savent réagir à toute manifestation d’oppression ». En fait, quand les luttes de classe interagissent avec des luttes démocratiques et extra-économiques, elles peuvent donner une direction révolutionnaire qui va au-delà de négociations au sein du système existant. Comme le démontre Louis Althusser dans Contradiction et Surdétermination, la Révolution Russe n’était pas le produit de simples contradictions entre le travail et le capital, mais la résultante d’une accumulation de contradictions liées aux luttes de nationalités opprimées, aux revendications des paysans pour une réforme agraire, et à la guerre impérialiste, permettant à la lutte des classes de se manifester d’une manière qui menait au-delà de ses limites.xiv

Aux États-Unis, où l’héritage du racisme est à peu près intact, nous laissons les élites bourgeoises et managériales diriger les luttes des groupes opprimés, à nos risques et périls. Dans son analyse de la faiblesse du mouvement ouvrier américain et de la hausse de la politique réactionnaire aux États-Unis, Mike Davis affirme que « l’échec du mouvement ouvrier d’après-guerre à former un bloc organique avec la libération Noire, à organiser le Sud ou à vaincre la réaction du Sud dans le Parti Démocrate, ont marqué, plus que tout autre facteur, le déclin final du syndicalisme américain et la reconstruction par la droite de l’économie politique dans les années 70. »xv Ne pas parvenir à faire fusionner les luttes démocratiques des minorités opprimées avec la lutte des classe ne mènera qu’à une politique inoffensive. Il n’y a rien de surprenant à ce que le Parti Communiste des États-Unis ait connu le plus de succès quand il luttait avec combativité pour les droits des Noirs américains.

Nous devons aussi comprendre que la politique identitaire n’est pas une conspiration des classes dominantes pour émousser la conscience de classe, mais une idéologie qui est née des expériences réelles de l’oppression dans un monde sans cœur. Nous vivons dans une culture atomisée et individualiste. Ainsi donc, les gens vont souvent et par défaut aborder ces questions d’une manière individualiste. Dans un monde déjà cruel et brutal, nous risquons de nous marginaliser vis-à-vis des opprimés en critiquant cette politique de manière cruelle et dénigrante. Il y a, bien sûr, des opportunistes de mauvaise foi et des carriéristes qui souhaitent manipuler les questions d’identité, mais en vérité, de nombreuses personnes se sont politisées par des communautés en-ligne qui parlaient directement de leurs problèmes. Un rejet viscéral de toute politique fondée sur l’identité sans comprendre les conditions tout à fait réelles qui mènent à de telles politiques ne fera que marginaliser des gens que nous cherchons à toucher. Il n’y a pas de mystère si les gens s’organisent en groupes identitaires en réponse à des problèmes qu’ils vivent – par exemple, il est parfaitement rationnel pour des Noirs de s’organiser en tant que Noirs contre la violence policière racialisée. Nous desservons notre cause en leur disant de mettre de côté leurs luttes, mais nous desservons également notre cause en refusant de critiquer les élites bourgeoises qui cherchent à tirer profit de ces luttes. Ce qui est indispensable, c’est une politique de classe universaliste qui traite de tous les aspects de la vie sociale, capable de développer et de mettre en pratique une critique de notre société dans son ensemble, et qui puisse unir le prolétariat dans toute sa diversité – pour emprunter l’expression d’Asad Haider, une universalité insurgée.xvi La politique identitaire, tout comme l’économisme, cherchent à négocier une meilleur position au sein du monde existant, mais les communistes ne cherchent pas à négocier, nous voulons renverser l’ordre existant et le remplacer par quelque chose de largement meilleur.

[1] On parlerait de « politique de la déconstruction » dans notre contexte (NdT)

[2] « Gauche de salauds », terme employé par le podcast Chapo Trap House pour s’auto-décrire. Dans leurs propres termes, une « faction de gauche qui laisse de côté la politique identitaire pour porter un message socialiste plus vulgarisé, préférant l’action au politiquement correct » (NdT)

 

  1. iDemarginalizing the intersection of race and sex: a black feminist critique of antidiscrimination doctrine, feminist theory and antiracist politics, pages .138-139

  1. iiIbid, 153-154.

  1. iiiLe sujet est traité par Mike Macnair ici: https://weeklyworker.co.uk/worker/1206/intersectionality-is-a-dead-end/

  1. ivMapping the margins: intersectionality, identity politics, and violence against women of color, pg 2

  1. vMark Fischer, Exiting the Vampire Castle, disponible ici: https://www.opendemocracy.net/en/opendemocracyuk/exiting-vampire-castle/

  1. viAdolph Reed Jr., Fron Jenner to Dolezal: One Trans Good, the Other Not So Much, disponible ici: https://www.commondreams.org/views/2015/06/15/jenner-dolezal-one-trans-good-other-not-so-much

  1. viiAdolph Reed Jr., Antiracism: A Neoliberal Alternative to a Left, disponible ici : https://link.springer.com/article/10.1007/s10624-017-9476-3

  1. viiiAdolph Reed Jr., The Case Against Reparations, disponible ici : https://nonsite.org/editorial/the-case-against-reparations

  1. ixDisponible ici: https://platypus1917.org/2015/04/22/what-is-political-party-for-the-left/

  1. xLénine, Que faire ?, disponible ici : https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1902/02/19020200.htm

  1. xiMike Macnair, Revolutionary Strategy, pg. 25

  1. xiiKarl Marx et Jules Guesde, Programme di Parti Ouvrier, disponible ici (en anglais seulement sur les archives marxistes internationales, NdT): https://www.marxists.org/archive/marx/works/1880/05/parti-ouvrier.htm

  1. xiiiMarx, La Sainte Famille, chapitre 4, disponible ici: https://www.marxists.org/francais/marx/works/1844/09/kmfe18440900.htm

  1. xivAlthusser, Contradiction et Surdétermination, disponible (en anglais seulement, NdT): https://www.marxists.org/reference/archive/althusser/1962/overdetermination.htm

  1. xvMike Davis, Prisoners of the American Dream, pg 322.

  1. xviAsad Haider, Mistaken Identity, pg. 114

Publié par JC42 dans Crassier Rouge, Non classé
IMPÉRIALISME, BAS LES PATTES DU VENEZUELA! – Déclaration de la FMJD

IMPÉRIALISME, BAS LES PATTES DU VENEZUELA! – Déclaration de la FMJD

Aujourd’hui, alors que les contradictions de l’impérialisme ne cessent de s’aggraver et exposent les peuples à de nouvelles menaces et de nouveaux dangers, la Fédération Mondiale de la Jeunesse Démocratique (FMJD) insiste sur la lutte continue des jeunes contre l’impérialisme, pour une société de paix, de progrès social et de justice et pour la fin de l’exploitation.

Cette situation s’aggrave dans toutes les régions du monde de différentes façons. En Amérique latine, les États-Unis et leurs alliés ainsi que l’Union européenne ont des objectifs évidents. Les intérêts impérialistes de dominer et de piller les ressources de l’Amérique latine et des Caraïbes sont clairement démontrés et s’expriment également par une ingérence systématique, soutenue par une offensive idéologique brutale, principalement par les médias.

Dans ce contexte, la République bolivarienne du Venezuela a été l’épicentre de cette attaque. En plus de vouloir contrôler les ressources énergétiques et la position géostratégique du pays, qui ont toujours été les principales cibles des impérialistes, ils veulent faire clairement comprendre qu’ils n’admettent pas le droit des peuples à choisir leur propre voie de développement en dehors de leurs intérêts hégémoniques.

L’intensification de l’agression économique et l’énorme soutien de la droite et des groupes fascistes par les États-Unis ne feront pas plier le peuple du Venezuela.

Nous dénonçons les menaces et les tentatives de violation de la souveraineté du Venezuela ainsi que le refus de reconnaître le président légitime Nicolás Maduro Moros.

Nous réaffirmons notre soutien au peuple vénézuélien dans sa lutte pour la sauvegarde de la souveraineté, de l’indépendance, de la stabilité, de la paix et du développement du pays.

Pour ces raisons, le Conseil Général de la Fédération Mondiale de la Jeunesse Démocratique a pris la décision de lancer une campagne de solidarité, à la date historique du 14 juin, date de l’anniversaire du Commandant Ernesto Che Guevara, sous le titre “Impérialisme, bas les pattes du Venezuela”.

Dans ces circonstances, il est très important d’être conscient de toutes les sales attaques de l’impérialisme contre le Venezuela. Il est important que toute personne progressiste, démocratique et pacifiste puisse dénoncer ces attaques répugnantes des impérialistes. Dans un monde d’injustice, la solidarité est l’arme des peuples !

Publié par JC42 dans Actualités, Communiqués, International
Déclaration de la FMJD à l’occasion de la Journée Mondiale de l’Environnement

Déclaration de la FMJD à l’occasion de la Journée Mondiale de l’Environnement

Nous publions ci-dessous une traduction d’une déclaration de la Fédération mondiale de la jeunesse démocratique, publiée le 5 juin 2019, à l’occasion de la Journée mondiale de l’environnement :

Le 5 juin a été déclaré Journée mondiale de l’environnement par une décision de l’Organisation des Nations Unies (ONU).

La destruction de l’environnement est une conséquence inévitable de la structure impérialiste du monde. Les cercles impérialistes, qui se préoccupent avant tout d’assurer leurs propres profits économiques sans se soucier des peuples, sacrifient l’environnement et l’avenir de la planète.

Depuis quelques années, une prise de conscience sur la pollution de l’environnement s’est fortement développée. Nous nous félicitons des manifestations massives qui mettent en avant des revendications contre la surexploitation de l’environnement et nous réaffirmons que la lutte pour la protection de l’environnement et en faveur des peuples ne peut être séparée de la lutte contre l’impérialisme et sa nature destructrice.

La responsabilité personnelle est également l’un des facteurs qui entrent en ligne de compte, mais nous demandons aux jeunes d’être prudents de ce côté-ci dans les discussions qui entourent l’environnement. Les classes dirigeantes du monde, l’impérialisme lui-même, déploient beaucoup d’efforts pour convaincre les peuples que la destruction de l’environnement serait de la faute de chaque individu séparément. Ils tentent ainsi de se dédouaner de leur propre responsabilité et de cacher les conséquences catastrophiques du mode de production impérialiste.

La FMJD croit que la seule solution pour mettre fin à l’exploitation ainsi à la pollution de l’environnement réside dans le renversement de l’impérialisme et dans la victoire finale des peuples. Dans cette direction, nous continuerons à lutter contre les causes profondes des guerres et de la destruction de l’environnement, pour la construction d’une société supérieure nouvelle, faite de paix et de justice sociale.

Publié par JC42 dans Actualités, Communiqués, International
Appel commun des organisations de jeunesse communistes d’Europe aux jeunes pour le renforcement de la lutte contre le capitalisme et l’UE, pour l’Europe des peuples, du socialisme !

Appel commun des organisations de jeunesse communistes d’Europe aux jeunes pour le renforcement de la lutte contre le capitalisme et l’UE, pour l’Europe des peuples, du socialisme !

Nous reproduisons ci-dessous l’Appel commun de 25 organisations de jeunesse communistes d’Europe publié à l’occasion des prochaines élections européennes :

Les organisations de jeunesses communistes d’Europe qui signent ce texte, à l’occasion des prochaines élections européennes, s’adressent aux jeunes de nos pays qui voient leur vie se dégrader et leurs rêves se faire écraser par la politique antipopulaire de l’Union européenne et des gouvernements.

L’UE est une union d’États qui a pour but de servir le grand capital, d’assurer les profits des grands groupes commerciaux européens en écrasant les droits des peuples et des jeunes.

Le seul acquis, que l’UE et les gouvernements promeuvent avec tant de passion, est le sacrifice des travailleurs pour la compétitivité du marché européen, son élargissement et la monnaie commune.


Les données sont révélatrices

– 113 millions de personnes, soit 22,5% de la population, vivent en dessous du seuil de pauvreté officiel

– 12,5 millions de jeunes sont en mobilité professionnelle, sans travail ni études

– 10,2 % des élèves abandonnent l’école

– Éducation, Santé, Sport, Culture, tout se mesure en fonction du profit.


L’UE est antipopulaire par nature

Les affirmations selon lesquelles l’Union européenne peut devenir pro-populaire sont fausses. L’UE ne peut pas être humanisée, elle ne peut pas être transformée en une Europe des travailleurs. L’UE ne change que pour le pire pour les peuples et les jeunes. Les partis qui parlent de la soi-disant démocratisation de l’UE cachent le fait que, dans leur pays, ils ont mis en œuvre ou continuent de mettre en œuvre la même politique antipopulaire, comme tous les gouvernements de l’UE. Ils le font pour répondre aux besoins du grand capital de l’Europe dans sa compétition avec les économies des États-Unis, du Japon, de la Chine, de la Russie et de l’Inde sur la base de l’économie capitaliste.

Les “libertés” de l’UE se sont avérées être les libertés des groupes d’entreprises pour maximiser leurs profits, en intensifiant de manière de plus en plus flexible l’exploitation des travailleurs. L’UE cible les jeunes, formant une main-d’œuvre encore moins chère pour les grandes entreprises, sans travail, sans assurance et sans droits sociaux, une main-d’œuvre qui se déplacera même de pays en pays. La “mobilité” de l’UE est essentiellement la liberté des entrepreneurs de transférer leur production d’un pays à l’autre avec une main-d’œuvre moins chère, généralement dans de meilleures conditions de rentabilité, laissant derrière eux des files de chômeurs. En même temps, l’UE tente, par la “mobilité”, de donner l’illusion aux peuples que c’est leur “maison commune” qui offre des “opportunités d’emploi” pour tous, cachant le fait que c’est une errance de pays en pays, de profession en profession, ayant comme critère la rentabilité des groupes commerciaux. Un foyer commun pour les jeunes des couches populaires et ouvrières et des groupes d’entreprises ne peut pas exister !

L’UE procède rapidement à l’abolition du caractère public des universités en imposant des frais de scolarité, en endettant les étudiants à cause des prêts et en renforçant l’intervention des entreprises dans l’éducation. Elle utilise la formation professionnelle pour former des employés encore moins chers, pour ajuster les salaires aux bas niveaux. Elle crée le “Corps Européen de Solidarité” en tant que mécanisme d’intégration et de participation des jeunes dans le cadre d’une main-d’œuvre très bon marché ou même en tant que volontaires, légitimant le travail non rémunéré de diverses manières.


L’UE représente un grave danger pour les jeunes et les peuples

Les inégalités et les interventions impérialistes sont dans l’ADN de l’UE depuis sa fondation en tant qu’alliance interétatique et impérialiste. Elle mène des guerres impérialistes en coopération avec l’OTAN, au nom de la fausse “exportation de la démocratie et des valeurs de l’UE”. L’UE considère l’OTAN comme un “pilier fondamental de la sécurité européenne”, elle met en danger les peuples d’Europe en soutenant la stratégie agressive de l’OTAN pour l’encerclement de la Russie. Avec un armement massif basé sur le Traité de Lisbonne et l’objectif de l’OTAN de 2% du budget de l’État pour chaque État membre, les guerres de demain se préparent aux dépens des populations. En attendant, elle prend des mesures pour sa propre action indépendante, renforçant son agressivité et sa militarisation, créant des forces de réaction rapide pour les opérations de guerre, telles que PESCO. Déjà dans les eaux européennes, des réfugiés se noient, dont les terres d’origine sont bombardées, tandis que la majorité des survivants, dont le marché du travail européen n’a pas besoin, s’entassent dans des zones sensibles.

L’UE et les gouvernements intensifient la répression du mouvement ouvrier – populaire, ils intensifient la surveillance au nom de la lutte contre le “terrorisme et la radicalisation”. Cette union anticommuniste du capital criminalise les partis communistes, leurs organisations de jeunesse et leurs symboles, tout en soutenant les gouvernements qui émergent avec le soutien des forces fascistes, comme celui de l’Ukraine. L’équivalence historiquement infondée du fascisme avec le communisme est sa politique officielle. Elle tente ainsi de modifier le contenu du 9 mai, jour de la Grande Victoire antifasciste des peuples contre la bête nazie, en l’appelant “Jour de l’Europe”.

L’UE est un ennemi juré de la lutte pour l’abolition de l’exploitation de l’homme par l’homme, car cela signifierait aussi la fin de l’alliance prédatrice du capital.

Il faut mettre un terme à l’Europe du chômage, à l’abolition des droits et libertés des personnes, à la rentabilité d’une poignée d’exploiteurs. Il faut ouvrir la voie à la satisfaction des besoins contemporains des jeunes et des gens. Dans cette belle lutte, nous, les communistes, appelons les jeunes des couches populaires ouvrières à se battre ensemble avec nous.


Pour une Europe des peuples et non des capitalistes

Il y a une expérience importante qui a malheureusement été acquise de la manière la plus tragique pour les intérêts de la population au cours des dernières années. La politique antipopulaire ne peut pas être renversée avec le peuple en marge, mais à travers son ralliement avec les communistes dans la lutte pour un travail stable avec les droits, l’éducation publique et gratuite, la santé, la protection sociale, pour le droit dans le sport, la culture, le temps libre et créatif, en rupture avec le système capitaliste. Dans la lutte contre les guerres impérialistes, les interventions, pour le droit des peuples à choisir la voie du développement qu’ils veulent. Seule cette lutte peut combattre le nationalisme qui, tant que le capital dominera, trouvera un terrain d’épanouissement sur la base de la déception populaire face aux différents scénarios de gestion de ce système pourri.

La jeunesse doit tourner le dos aux partis du soi-disant “euroscepticisme” qui ne luttent pas contre l’économie et la société capitaliste injuste et exploiteuse, ce qui explique l’existence d’unions comme l’UE. Elle doit donner une réponse combative aux forces racistes et fascistes, qui sont utilisées par le système comme “chiens de garde” contre le mouvement ouvrier.

Nous appelons les jeunes à soutenir massivement l’action des partis communistes et ouvriers en Europe qui luttent contre l’UE, dans la perspective des élections européennes de mai, ainsi que dans toutes les batailles politiques qui nous attendent, pour une société sans exploitation de l’homme par l’homme, le socialisme.

Publié par JC42 dans Actualités, International