Libye : le coût de la guerre

Par Emmanuel Cugny, sur France Info.

Lybie

La guerre en Libye… la France est engagée aux côtés de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis. La guerre a toujours un coût… que peut-on dire à ce sujet pour la France ?

Il est encore trop tôt pour dire combien cela coûtera au final puisqu’on ne connaît pas la durée exacte de l’opération. Je vais simplement vous donner quelques chiffres qui montrent l’ampleur des sommes en jeu… ce sont des chiffres à relativiser, je vous dirai pourquoi ensuite. Prenez un carnet et un crayon, on y va : le coût d’une heure de vol d’un Rafale est de 40.000 euros (pour les autres avions, il faut compter en moyenne 15 à 30.000 euros de l’heure). Le porte-avions Charles de Gaulle : 50.000 euros l’heure d’intervention ; un sous-marin : environ 10.000 euros. A quoi il faut ajouter, bien sûr, missiles et munitions. Pour donner une idée, et je vous laisserai faire le calcul : en trois jours, les avions français ont déjà effectué un total de 55 sorties et 400 heures de vol. Attention : c’est le coût d’utilisation normal des appareils et non le surcoût engagé par la guerre. En clair, que ces moyens soient déployés ou pas, ils coûtent autant, la seule variable d’ajustement est le carburant. Ces coûts rentrent dans le cadre du budget de fonctionnement du ministère de la Défense… pour 2011, ce budget s’élève à 31 milliards d’euros.

Mais on ne peut pas exclure un dépassement de ces budgets si la guerre dure plus longtemps que prévu ?

C’est vrai… si je peux vous rassurer, la France ne possède pas de Tomahawk, ces missiles de croisière américains dont le prix unitaire atteint… : 650.000 dollars !!! Songez qu’au cours du week-end dernier, les forces américaines en ont lancé pas moins de… 112 sur la Libye. Pour revenir à la France, s’il y a enlisement du conflit et dépassement de budget, l’Etat procède par rallonges budgétaires qui passent par voie parlementaire et mouillent la majorité comme l’opposition. Et il vaut mieux car, en cas de dépassement, on peut vite monter à plusieurs milliards d’euros… autant qu’il y ait consensus entre les représentants de la Nation.

Peut-on comparer l’opération libyenne avec d’autres opérations à laquelle la France a participé ?

Aucun conflit n’est comparable. Si l’on se réfère au Kosovo, en 1999… les frappes aériennes avaient duré près de 80 jours et la France avait porté environ 10% de l’effort de la coalition. 48 sorties par jour à l’époque… la question est de savoir si, sans rallonge budgétaire, les forces françaises pourront faire autant en Libye.

Qui plus est, en période de réduction de déficit budgétaire !

En raisonnant froidement, on pourrait dire que consacrer une partie des deniers publics pour alimenter l’effort de guerre soutient le secteur industriel et l’emploi… sujet polémique mais bien réel ! Et puis, n’est-ce pas une occasion pour l’avion de combat Rafale fabriqué par Dassault de montrer à de potentiels clients internationaux ce qu’il sait faire ? L’une des principales questions est de savoir si l’on peut, dans l’état actuel des finances de la France, se permettre d’augmenter le déficit budgétaire pour faire la guerre. Le choix politique a été fait… il faudra en tirer les conclusions le moment venu si l’offensive en Libye est plus longue que prévu… d’autant que nos soldats sont déjà engagés pour des missions de sécurité en Afghanistan, dans les Balkans, en Côte d’Ivoire ou en Somalie. Pour la seule année 2010, cet engagement dans les opérations extérieures a coûté 900 millions d’euros.