Récents événements en Grèce, par Dimitri

Le calendrier est annoncé : ce sera mercredi 19 et jeudi 20 novembre que sera voté à l’assemblée nationale Grecque (VOULI) le nouveau plan d’austérité. Le préavis de grève est lancé par le PAME, syndicat de travailleurs, proche du KKE. (PAME, panellinio métopo ergasoménon : front des travailleurs grecs). Les syndicats révisionnistes majoritaires, ADEDY (secteur public) et GSEE (secteur privé) proches du PASOK ne résistent pas à la pression de leurs bases militantes et du PAME et appellent également à 2 jours de grève et de manifestations.

Depuis 2 ans, sous la pression des commissaires de la Troïka, le gouvernement grec a annoncé pas moins de 70 mesures d’austérité. Les principales mesures de ce nouveau plan d’austérité, le 4ème depuis le début de la crise, consistent surtout à imposer des « Contributions exceptionnelles » :

– « Contribution exceptionnelle » de DEI (EDF grecque) pour chaque propriétaire, pouvant aller de 500€ à 2000€

– « Contribution exceptionnelle » au niveau de l’impôt sur le revenu pour tous les salariés. Le seuil d’imposition est abaissé de 12 000€ à 5000€ par an, avec …effet rétroactif

– La TVA est passée de 19% à 23% sur tous les produits en quelques mois. Sont particulièrement frappés les restaurants où la TVA est passée de 13% à 23%

– Coupes nettes pour les allocations familiales et autres aides aux plus démunis

– « Harmonisation » du prix du fioul domestique avec le prix du gasoil à la pompe pour 2012 (1,40 € ) et l’hiver arrive !

– « Flexibilisation » du Code du Travail avec la mise en place de nouveaux contrats d’embauche qui allègent le patronat, pas seulement au niveau des charges sociales mais aussi au niveau de toute contrainte liée au respect de la loi.

N’oublions pas que c’est un gouvernement socialiste qui met en place ces mesures que même la droite la plus réactionnaire n’avait pas osé mettre…

Mais la mesure la plus symbolique consiste à baisser les salaires des salariés du public comme du privé (jusqu’à 35% pour les fonctionnaires, ce qui est rendu possible grâce au regroupement des 2 caisses de traitements et confié à la gestion du trésor public). Le « RSA » grec à presque disparu laissant les bénéficiaires dépendants de la charité familiale. On pousse les salariés à se mettre en préretraite et on calcule les droits à la retraite sur les revenus des préretraites. Les associations subventionnées par l’Etat disparaissent. Les heures sup’ sont rarement payées. Les retards de salaires de 3 à 4 mois sont courants. Le SMIC tombe à 500 euros dans un pays où, dans les grandes villes, le coût de la vie est sensiblement le même qu’en France. Conséquence de tout ça, la faim fait son apparition dans certains foyers et surtout chez les jeunes étudiants ou inactifs, loin de leur famille ou en rupture avec cette dernière.

La situation des écoles est particulièrement alarmante. Les cantines scolaires ont du mal à être ravitaillées, les enfants ne mangent pas à leur faim, certains font des malaises. Les directeurs d’écoles demandent aux fédérations de parents d’élèves de faire la quête pour acheter du fioul pour chauffer les écoles. Les livres scolaires ne sont plus distribués, un CD est donné pour chaque classe, les élèves sont invités à l’emprunter pour faire des photocopies des livres. La solution trouvée est d’adapter le modèle Américain aux écoles Grecques en faisant appel à des boites privées pour fournir du fioul aux écoles en échange d’un affichage visible de la marque.

Je ne reviendrai pas sur ce qui a provoqué cette situation mais je suis scandalisé par les propos tenus par les responsables politiques, et par certains « spécialistes » de la question qui donnent des leçons de morale. Si la Grèce est dans cette situation c’est à cause de gestion calamiteuse des gouvernements européens mais surtout à cause de la logique libérale qui, dans sa nature même, est amenée à provoquer ce genre de situation. L’histoire nous la montré. Ces « spécialistes » qui vomissent à tour de rôle des mensonges et insultent le peuple grec en disant : « la situation économique de l’UE est très fragilisé à cause de la dette grecque, cette dette grecque est due à la fainéantise des travailleurs grecs, à leurs avantages et au fait que les Grec volent le fisc en ne payant pas d’impôts… ». En clair ils nous clament que c’est à cause du comportement irresponsable des travailleurs Grecs que le travailleur Allemand ou Français doit subir, à son tour, une cure d’austérité. Messieurs, la stigmatisation d’un peuple est extrêmement dangereuse. L’histoire nous l’a prouvé.

Ces propos ne rendent pas insensibles les grecs qui, en plus de se faire humilier par la Troïka, leur gouvernement et leurs patrons, deviennent la risée, la honte de l’Europe. Les dirigeants politiques accusent les révoltés de ne pas être des bons patriotes et de fuir leurs responsabilités. Mais qui sont les vrais patriotes? Ceux qui saignent les masses populaires à blanc ou ceux qui résistent et luttent pour le droit du peuple à vivre de façon décente?

Les solutions pour la jeunesse grecque? Accepter des jobs très mal rémunérés, la plupart du temps sans contrat de travail où il faudra marcher au pas pour ne pas se faire virer. Accepter des retards de salaires, parfois de plus de 8 mois. Retourner à 30-40 ans au domicile parental pour partager les frais… Ou alors, partir à l’étranger. Espérer pouvoir travailler dans un autre pays et quitter sa famille, ses amis, son conjoint(e), son quartier… On notera une augmentation de 40% du taux de suicide en Grèce en un an, et les dernières mesures prises ne feront qu’accentuer ce phénomène.

Les dernières 24h de grève ont été très suivies, plusieurs centaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue le mercredi formant ainsi la plus grande manifestation jamais organisé depuis 1974 et la chute de la dictature des colonels. Malheureusement lors de la manifestation du jeudi 20 à Athènes des affrontements ont éclaté entre le service d’ordre du PAME-KNE et des « cagoulés ».

http://www.youtube.com/watch?v=b-hKOGZABp4&feature=player_embedded#t=0s

Déroulement des faits par différentes sources (pas seulement communistes) :

Comme à l’habitude le premier cortège, le plus massif, arrivé sur la place Syndagma (Place de la Constitution) est celui du PAME, syndicat de travailleurs proche du KKE (PC Grec) et des Jeunes Communistes. Le bureau national du KKE l’a annoncé, ils bloqueront les entrées du Parlement pour « empêcher les députés » de s’y rendre, un geste surtout fort en symbole. L’occasion pour des groupes de « koukouloforoi », traduisez cagoulés, d’infiltrer la manifestation pour tenter de rentrer dans l’assemblée et, comme ils le disaient, « y foutre le feu ». Chassés de la manif par le SO de la manif (surement sans ménagement) les cagoulés répliquent et, rejoints par différents groupuscules, ils entament un lynchage spectaculaire sur la manif, protégée vaillamment par le SO. Jets de pierres, de bouteilles, de fumigènes, de cocktails Molotov, de lacrymogènes…pendant plusieurs dizaines de minutes. Le SO garde les rangs et ne réplique qu’aux assauts aux corps à corps. Résultats, des dizaines de blessés et un mort. Un syndicaliste du PAME de 53 ans, ouvrier du bâtiment qui a succombé à une crise cardiaque due aux lacrymogènes.

Mais qui sont ces « cagoulés » ? Il est difficile de le savoir mais ce qui est sûr c’est que l’on trouve un peu de tout : certains anarchistes évidemment qui ont étés déçus de ne pas avoir pu profiter de la force du SO pour réaliser leur fantasme de brûler l’assemblée, « symbole du pouvoir », comme ils ont brûlé la banque avec salariés et clients à l’intérieur en 2009, ce qui a servi de catalyseur au mouvement populaire de l’époque. On peut y rajouter certains libertaires, trotskystes, autonomes, opportunistes. Mais aussi des groupuscules d’extrême droite qui ont par là l’occasion de frapper sur leur plus grand ennemi historique, les communistes. Mais également des policiers en civil. De nombreuses vidéos disponibles sur internet montrent en effet des « cagoulés » sortir de la manif pour rejoindre les cordons de CRS cachés dans les rues adjacentes. Toutes des personnes qui ont, de près ou de loin, un intérêt à semer la panique et la peur dans les manifs populaires, œuvrant ainsi pour le plus grand bonheur des dictateurs financiers.

Le versement, décidé il y a quelques jours, de 1000 milliards d’euros et l’effacement d’une partie de la dette ne fera que repousser l’échéance de la fin inévitable de l’implosion du système financier. Mais d’où viendrait la solution? Des « aganaktismenoi » (indignés) qui après avoir campé pour un temps sur la place Syndagma, se sont rendus compte que sans action radicale et sans bloquer le système de production rien ne changera? De la droite qui promet une gestion de la crise bien plus « humaine » si elle était amenée à reprendre le pouvoir? Ce qui est sûr c’est que les sondages montrent que s’il y avait une élection partielle, aucun parti ne pourrait gouverner seul.

Le Parti Communiste Grec est crédité aujourd’hui de 15% et chaque jour il se renforce un peu plus en masse militante et en crédibilité. Les évènements de la dernière manif ont consolidé encore d’avantage la confiance et le soutien d’une grande partie de l’opinion publique envers le KKE.

Le KKE, par l’intermédiaire de son secrétaire général Aleka Papariga, vient de lancer un appel à « ne pas payer les nouveaux impôts » et à remettre aux délégués syndicaux et aux responsables locaux du KKE les factures pour les retourner à l’envoyeur (à ne pas confondre avec le collectif « den plirono » , je ne paye pas, un collectif groupusculaire).

Des initiatives courageuses qui montrent que la seule réponse, la seule solution à apporter doit être audacieuse et radicale. Un soulèvement du peuple et par le peuple en Grèce et dans toute l’Europe pour s’émanciper de la dictature des marchés financiers. Rien d’utopique dans cela, juste une nécessité pour sauver la dignité humaine.