Lettre ouverte à M. Ayrault

Monsieur le 1er ministre,

Le Mouvement Jeunes Communistes de France est engagé depuis longtemps dans une campagne intense pour la paix et la justice en Palestine et le respect du droit international par l’État israélien.

Après plus de 60 années de conflit et 20 ans de négociations ininterrompues, les Palestiniens ne peuvent plus être les laissés pour compte du droit international.

Leur État doit être reconnu par l’ONU.

Un État libre, indépendant et souverain dans les frontières de 1967, comprenant la Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-Est comme capitale à côté de leurs voisins israéliens.

Nous savons que vous partagez cette vision et ce combat puisque le candidat Hollande, dont vous étiez un des principaux soutiens, s’est engagé dans son programme présidentiel avec sa 59ème proposition à soutenir « la reconnaissance internationale de l’État Palestinien ».

C’est donc avec une grande attention, que j’ai écouté le mercredi 24 octobre votre interview sur France Inter.

Interrogé sur les élections américaines et sur votre favori pour la course à la Maison Blanche, vous avez prononcé ces quelques mots à la fin :

« On attend des Etats-Unis, peut-être sur un certain nombre de sujets, de l’audace. Je vais vous en citer un (exemple) ; si Obama est réélu, c’est la question très importante du conflit israélo-palestinien. Il faut résoudre cette question car cela devient insupportable pour ceux qui sont là-bas. Il y a trop d’insécurité pour Israël, on l’a vu avec l’Iran, mais il y a aussi, je dirai trop de souffrance pour le peuple palestinien. Donc il faut avancer avec résolution, c’est une question de haute responsabilité pour les dirigeants de ce monde ».

Nous avons en effet des attentes en commun sur le rôle que devrait jouer l’administration états-unienne dans la résolution du conflit.

Un rôle radicalement différent que celui qu’ils ont joué ces 20 dernières années et qui a consisté à accompagner l’intensification de la colonisation, la construction du mur illégal selon l’ONU, le jugements des prisonniers politiques palestiniens condamnés à de lourdes peines par des tribunaux militaires illégaux, l’aggravation de la situation des réfugiés, le pillage des ressources naturelles, de l’eau et des principales terres arables…

Comme je sais que vous êtes un fin littéraire, permettez-moi de citer un écrivain canadien, Ronald Wright : « Lorsque tu as plusieurs choix devant toi et que tu n’arrives pas à te décider, prends toujours le chemin qui demande le plus d’audace ».

Plusieurs chemins sont devant nous.

Celui de l’inaction et de la passivité complice, emprunté par vos prédécesseurs et qui a conduit à la situation que l’on connaît aujourd’hui.

L’autre chemin, c’est comme vous le dites, celui de l’audace. Celui qui consiste à réaffirmer la force de la politique plutôt que la politique de la force dans la résolution du conflit.

Mais pourquoi attendre des autres ce que la France pourrait entreprendre elle-même ? Pourquoi s’en remettre au bon vouloir des États-Unis plutôt que de les pousser à agir de concert avec la France au sein de l’ONU pour que les résolutions internationales soient enfin appliquées ?

Oui, l’audace fait défaut pour mettre fin à 60 ans de violation du droit international dans l’impunité la plus totale.

Le chemin que doit prendre la France, c’est celui que des millions de citoyennes et de citoyens ont envie de voir prendre par un gouvernement de gauche.

En faisant le choix de sortir Nicolas Sarkozy le 6 mai dernier, nous avons aussi choisi de rompre avec sa politique internationale d’intégration dans l’OTAN, de discours aberrants comme celui de Dakar aux relents coloniaux, sa politique de soutien aux dictatures de Mubarak et Ben Ali , de retour aux heures sombres de la Françafrique, sa politique de guerre « civilisatrice » dans la lignée de George W. Bush et de sa nostalgie du temps des croisades et des colonies.

Alors pour faire preuve d’audace, plus que des mots, il faut agir. Le peuple palestinien ne peut se contenter d’effets d’annonce ou que Monsieur Fabius, notre ministre des affaires étrangères, pose avec un keffieh dans un magazine international.

La France doit prendre des actes forts qui auraient une résonance internationale, qui feraient avancer les choses positivement et seraient conformes aux engagements électoraux.

La France doit reconnaître unilatéralement la Palestine comme État souverain dans les frontières de 1967, comme l’ont fait avant elle plus de 130 pays.

La France doit annoncer clairement qu’elle compte voter pour l’admission à l’ONU de la Palestine en tant que membre de plein droit. C’est ce qu’a fait le gouvernement précédent de droite pour l’admission de la Palestine à l’Unesco.

Mr le Premier Ministre, vous en conviendrez, il n’est pas envisageable qu’un gouvernement de gauche fasse moins que la droite sur ce sujet !

Si votre gouvernement prend ces deux initiatives, il entraînera sans aucun doute dans son sillage de nombreux États, notamment européens sur la voie de la justice et du respect du droit international.

La reconnaissance de l’État palestinien, n’est pas le problème, c’est la première étape incontournable de la solution pour que les peuples palestinien et israélien puissent vivre en paix et en sécurité, l’un à côté de l’autre.

L’audace, c’est donc de vous y engager de toutes vos forces.

Dans l’attente d’une réponse de votre part, je vous prie, Monsieur le premier ministre, de recevoir l’expression de ma considération républicaine.

Pierric Annoot, secrétaire général du MJCF