Cuba, un pays à part

Cuba est un archipel composé de l’île de Cuba, longue de 1 220 km (qui fait d’elle la plus grande île des Antilles), de l’île de la Jeunesse et d’environ 1600 îlots, situé entre la Mer des Caraibes et l’Atlantique Nord. C’est une République Socialiste de près de 12 millions d’habitants, dont le président actuel est Raul Castro Ruz, et dont la capitale est la Havane. Cuba est au 51ème rang mondial en matière de développement, avec un IDH de 0,863. Ancienne colonie espagnole (pendant 400 ans), son indépendance a été déclarée le 10 octobre 1868, et finalement reconnue le 10 décembre 1898.

Partie I, De la colonisation espagnole à la guerilla :

L’année 1868 marque le début de la première guerre d’indépendance (Guerre des Dix Ans : 1868-1878). Carlos Manuel de Cespedes, riche propriétaire d’une vaste plantation de canne à sucre et considéré comme « le père de la patrie cubaine », libère ses esclaves et lance une insurrection contre les autorités coloniales. Les Etats-Unis soutiennent les insurgés mais les Espagnols remportent la victoire. Suite à cette guerre un pacte est scellé, « abolissant » notamment l’esclavage en 1880 et mis en pratique seulement en 1886. L’insatisfaction des réformes non appliquées entraîneront la seconde guerre d’indépendance (1895-1898), cette fois-ci initiée par José Marti. Ce jeune poète et écrivain, aujourd’hui glorifié par les cubains, se lance dans la lutte avec deux généraux notoires : Maximo Gomez et Antonio Maceo, mais ils tomberont tous les trois au combat. Les Etats-Unis prennent part à la bataille. Le traité de Paris met fin aux combats et les vainqueurs nord-américains prennent l’île sous tutelle. Ils poursuivent une ingérence marquée à Cuba toute la 1ère moitié du XXème siècle. La République de Cuba est créée mais sous l’œil cupide des Etats-Unis et non sans une forte mainmise de leur part sur l’île. Ainsi, l’amendement Platt, transcrit dans la Constitution et valide jusqu’en 1934, officialisa ce droit d’ingérence notamment avec la location de la baie de Guantanamo, où les Etats-Unis installèrent une importante base navale (toutefois, ils continuent encore aujourd’hui de l’occuper malgré l’opposition du gouvernement cubain, et sans aucune assise légale).

Avant la Révolution et l’arrivée au pouvoir des barbudos en 1959, deux présidents marquèrent réellement l’Histoire de Cuba : Gerardo Machado et Fulgencio Batista. Appuyés par la CIA, leur mandat fut une longue période d’enrichissement personnel et de corruption. Sur fond de crise économique et sociale, le peuple se soulève parfois (manifestations étudiantes notamment) et est sévèrement réprimandé, de nombreux massacres sont alors commis. A cette période Cuba est considéré comme “le bordel des Etats-Unis” où les casinos fleurissent et l’alcool coule à flot, la prostitution est monnaie courante, et de grandes compagnies américaines pillent les ressources du pays (United Fruit Co en tête). En 1953 Fidel Castro, un jeune avocat, rentre dans l’histoire en s’opposant au régime en place ; il dénonce à la fois la dictature de Batista et l’impérialisme des Etats-Unis. Le 26 juillet il attaque avec 123 camarades la caserne de la Moncada (principale place forte de la région de Santiago de Cuba, comptant alors 400 soldats) mais l’opération échoue et la moitié des assaillants y trouvent la mort. Fidel Castro est fait prisonnier jusqu’en 1955, date à laquelle une amnistie lui est accordée alors qu’il n’a été détenu que 18 mois sur les 15 ans de prison auxquels il était initialement condamné. A sa sortie, il s’exile au Mexique avec son frère Raul. Ils forment un groupe constitué du Che, Camilo Cienfuegos, Faustino Perez, Ramiro Valdes, et de nombreux autres révolutionnaires. Ils embarquent à 82 sur un vieux yatch en bois, le GranMa, qui n’est conçu que pour en transporter 25. Non sans mal, puisqu’ils traverseront une tempête et manqueront de vivres et de carburant, ils parviennent à débarquer à Cuba. La guerilla peut alors véritablement débuter contre l’armée régulière, qui compte quelques 35 000 hommes. Le M-26, le mouvement issu de l’attaque de la Moncada le 26 juillet 53, orchestre l’insurrection ; Franck Pais en dirige la branche urbaine, tandis que les guérilleros de la Sierra Maestra (dont seulement une dizaine sont alors en vie sur les 82 de l’expédition du GrandMa) sont sous les ordres de Fidel Castro.

Partie II, L’année 1959 et les débuts de la République Socialiste :

Les rangs du M-26 ne cessent de gonfler, le mouvement bénéficie d’un très fort soutien populaire. En obtenant des victoires spectaculaires face à une armée démoralisée dont les soldats désertent en masse, le 1er janvier 1959, la Révolution triomphe ; l’armée rebelle entre à Santiago de Cuba tandis que Batista et les hauts dignitaires du régime fuient le pays en laissant le pouvoir à une junte militaire dirigée par Eulogio Cantillo. Le lendemain, les colonnes de Camilo Cienfuegos et Ernesto Che Guevara entrent à la Havane, le “coup d’Etat” du général Cantillo est dénoncé et le juge Manuel Urrutia prête serment comme nouveau président provisoire de la République. Des journaux comme le quotidien communiste Noticias de Hoy sortent de la clandestinité. Le gouvernement révolutionnaire est rapidement constitué : Jose Miro Cordona est premier ministre, avec Roberto Agramonte aux affaires étrangères, Angel Fernandez à la justice, Julio Martinez Paez à la santé, José Rego chef d’etat major de l’armée, Armando Hart Davalos à l’éducation, Raul Chibas aux finances, etc, Fidel Castro est commandant en chef des forces de terre air et mer de la République, et son frère Raul se retrouve chef des forces armées dans la province d’Oriente. Les Etats-Unis, ayant initialement soutenu la Révolution, reconnaissent dans la semaine qui suit le nouveau gouvernement. A la fin du mois, Camilo Cienfuegos est nommé chef d’etat major de l’armée en remplacement du colonel Jose Rego. Fidel Castro commence à dénoncer dans des discours la campagne mensongère diffusée par la presse nord américaine sur la Révolution Cubaine. Des dépèches de centaines d’instituteurs, médecins, et avocats, sont envoyés dans les coins reculés de l’île, les premiers cours d’alphabétisation sont inaugurés. En février, Ernesto Guevara est naturalisé Cubain. Les jeux sont interdits dans les casinos, le gouvernement demande le départ des missions militaires états-uniennes installées à Cuba. Le conseil des ministres démissione, Fidel remplace Jose Miro Cordoba au poste de premier ministre, et Raul devient commandant en chef des forces armées. En mars, ce sont les débuts de la réforme agraire ; 340 cultivateurs de tabac dans la province de Pinar del Rio reçoivent un titre de propriété des mains de Fidel Castro. Au cours de l’année, des compagnies agricoles étatsuniennes sont chassées du pays. Les biens de la famille Batista sont confisqués. Le gouvernement fait fortement baisser le prix des loyers (jusqu’à 50%), des télécommunications, des médicaments, et de l’électricité. Des compagnies de transport sont nationalisées, une commission nationale d’alphabétisation est lancée. Aux Etats-Unis, une réunion secrète du conseil de sécurité nationale débat des moyens à utiliser pour installer un autre gouvernement à Cuba tandis que Fidel Castro réchappe aux premiers complots contre lui et tentatives d’assassinat. En avril, le budget et les capacités d’accueil des hopitaux sont augmentés. Dans un discours, Fidel Castro explique que la tenue d’élections se fera rapidement mais qu’il faut d’abord lutter contre l’analphabétisme pour que ces élections soient vraiment libres et aient du sens. Les plages privées sont nationalisés. Le prix des médicaments baisse encore.

Devant de nombreuses critiques internationales, Fidel présente sa démission du gouvernement le 16 juillet. Cette annonce provoque une profonde émotion dans tout le pays et des manifestations de soutien arrivent de tous les côtés. La position du président Manuel Urrutia devient intenable et il démissione à son tour. Le conseil des ministres désigne l’avocat Osvaldo Dorticos Torrado pour le remplacer. Pour exiger le retour de Fidel, un appel à un arrêt de travail d’une heure est lancé et massivement suivi, et plus de 10 000 paysans à cheval venus de tout le pays entrent manifester à la Havane. A la fin du mois, devant des millions de Cubains enthousiastes, Fidel annonce qu’il reprend son poste. Les réformes sociales continuent. Fin octobre, des dizaines de milliers de Cubains défilent devant le palais présidentiel pour soutenir la Révolution et dénoncer les traitres à celle-ci. Devant la recrudescence des actes terroristes, des tribunaux révolutionnaires sont remis en place. Le 21 octobre, agacés par la politique que mènent désormais les cubains, les Etats-Unis envoient deux avions sur Cuba ; ils font deux morts et cinquante blessés à la Havane. Une semaine après, le commandant Camilo Cienfuegos, un des plus populaires de la Révolution, meurt tragiquement dans un accident d’avion. On décrète sept jours de deuil national. A la fin de l’année, le Che est nommé président de la Banque Nationale. Dans une note à la Maison Blanche le colonel JC Kings, haut dirigeant de la CIA, préconise “l’élimination de Fidel Castro”. Cela servira de point de départ à une longue série de tentatives d’assassinat contre lui (634 selon le chef de sa sécurité personnelle, dont seulement quelques dizaines reconnues par la CIA).

Partie III, L’édification du socialisme et ses obstacles :

Peu à peu, le gouvernement nationalise 90% du secteur industriel et 70% des terres agricoles. Le gouvernement cubain met en place une économie planifiée. La plupart des moyens de production sont contrôlés par l’État et la plupart de la main-d’œuvre est employé dans le secteur public. Les universités et autres écoles finissent d’être nationalisées. Le niveau de vie des Cubains s’améliore au delà de toute espérance. Mais les Etats-Unis, avec qui les rapports se sont bien gâtés depuis la nationalisation d’avoirs étrangers comme ceux de la compagnie United Fruit Co en mai 59, s’opposent de plus en plus à Cuba. Ce sont les débuts de la propagande anticastriste. Le 6 avril 1960 Lester D. Mallory, sous-secrétaire d’État adjoint aux Affaires Interaméricaines déclare que « la majorité des Cubains soutenait Castro » et qu’il « n’existe pas une opposition politique effective », en ajoutant que « le seul moyen prévisible de réduire le soutien interne passe par le désenchantement et le découragement basés sur l’insatisfaction et les difficultés économiques (…) Tout moyen pour affaiblir la vie économique de Cuba doit être utilisé rapidement (…) : refuser de faire crédit et d’approvisionner Cuba pour diminuer les salaires réels et monétaires dans le but de provoquer la faim, le désespoir et le renversement du gouvernement ». En décembre Eisenhower supprime totalement la quote-part de sucre cubain pour les trois premiers mois de 1961. Les relations sont de plus en plus tendues, les Etats-Unis ne peuvent supporter la présence d’un pays du bloc communiste si près de leurs côtes, qui plus est quand celui-ci chasse un à un tous les propriétaires et industriels nord-américains qui s’y enrichissaient. La CIA a l’idée de recruter, de payer, d’armer et d’entrainer 1400 hommes, des réfugiés cubains et quelques soldats américains, pour tenter de reprendre Cuba. Du 17 au 19 avril 1961 a ainsi lieu la fameuse tentative de débarquement à la baie des Cochons ; l’opération choue en 72 heures. La CIA essuie l’une de ses plus grandes défaites face à de jeunes cubains engagés volontairement dans l’armée et de nombreux civils prêts à défendre leur Révolution. On retrouve en effet dans cette brigade de la CIA de nombreuses personnes réticents à abandonner leurs intérêts au profit du socialisme : 124 d’entre eux sont de grands propriétaires terriens, 112 sont de grands commerçants, 194 sont d’ex-militaires de Batista, 35 sont de grands industriels… L’attachement des cubains à la Révolution et à la liberté est prouvée. Mais moins d’un an après, le 7 février 1962, après d’énièmes nationalisations expropriant des compagnies nord-américaines, les Etats-Unis décident de la mise en place d’un embargo économique, commercial et financier à l’égard de Cuba. Il est toujours en place à ce jour, malgré un vote à l’ONU validé depuis 20 ans par 100 à 200 pays pour la levée du blocus, et ce uniquement face au “non” ferme des Etats-Unis suivis par Israel et les Iles Marshall. Il s’est parfois allégé, selon les présidents qui se succédaient à la Maison Blanche, mais il reste que le blocus a causé à Cuba des préjudices économiques supérieurs à 70 milliards de dollars, et c’est un montant énorme pour l’économie cubaine, sans parler des restrictions qu’il implique aussi sur les échanges entre les deux pays : la loi américaine interdit à ses citoyens d’effectuer des échanges avec l’île, notamment d’y voyager, et les sanctions sont encore plus graves si cette loi est trangressée dans le cadre d’un travail culturel (Ry Cooder fut condamné en 2003 pour sa collaboration dans l’album de musique du Buena Vista Social Club à 100.000 $ d’amende) ou scientifique et médical.
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