Dimitri, retour de Grèce

Grèce

Pour ne pas répéter ce que l’on sait déjà sur les raisons et le processus économique qui ont amené la « crise » en Grèce je vais me contenter de donner mon point de vue sur la situation que nous vivons au quotidien.

Avant toute explication il est important de retenir une chose, à mon sens primordiale, dans l’analyse de la situation. Les mesures engagées par le gouvernement semblent avoir été programmées bien avant l’intervention du FMI en Grèce, dans l’attente simplement d’un prétexte pour les enclencher. Le simple déroulement des faits donne toutes les raisons de penser qu’un plan avait été préparé et établi depuis plusieurs années, depuis le traité de Lisbonne, voire depuis Maastricht. Les élections anticipées d’octobre dernier apparaissent ainsi comme une simple étape d’un processus pré-établi. Le changement de gouvernement fut dans les faits une passation de pouvoir, du parti Nea-Democratia aux socios-démocrates du PASOK. Tout mène à penser que la classe bourgeoise dirigeante a organisé la prise de pouvoir du PASOK dans un seul et unique but : faire croire au peuple que les mesures prises sont « sociales », du fait qu’elles sont mises en place par un gouvernement « de gauche ».
La Grèce est un des seuls pays d’Europe qui a réussi à limiter la casse de ses acquis sociaux lors des dernières décennies. Ces effets d’annonces qui terrifient le peuple Grec sont une aubaine pour la bourgeoisie, qui s’en sert à présent pour manipuler le peuple Grec et lui faire accepter les pires réformes.

Comment la politique d’austérité nuît directement aux travailleurs :

Le système des salaires en Grèce est très différent du système Français. Environ un tiers du salaire d’un travailleur se compose de primes : primes de Noël, de Pâques, de déplacements, de travail de nuit, treizième ou quatorzième mois, et toutes sortes de petites primes parfois assez insignifiantes. Aujourd’hui, ces primes sont supprimées, et ce depuis plusieurs mois déjà. Une infirmière touchant 900 euros par mois, par exemple, ne touche désormais plus que 680 euros. Un architecte fonctionnaire, touchant 18000 euros sur l’année, perd 6000 euros de primes, soit environ trois mois de salaire.
La situation est catastrophique dans les organismes culturels et associatifs. Les subventions arrivent au compte goutte : pour les établissements les plus instables financièrement, aucune aide ne parvient depuis janvier, et aucun salarié n’a été payé depuis. Les recours prud’homaux sont vains vu le nombre de dossiers en attente de traitement.
Le secteur privé subit également ; les entreprises voient leurs cahiers de commandes se vider, ce qui engendre retards de paiements ou non paiements des salariés, chômage partiel ou licenciements, coupures des primes et compléments de salaires.
Il faut ajouter à ce climat la hausse de la TVA, qui passe désormais à 23% sur le tabac, l’alcool et l’essence (1€82 le litre de sans plomb le vendredi 14 mai, par exemple), le rallongement de la durée des cotisations retraites, la casse du service de sécurité sociale, les licenciements qui commencent à se multiplier et la démolition du code du travail. Si la situation en reste là, le peuple Grec va mourir en payant leur crise.

Pour se donner une idée de la gravité de la situation, il convient de préciser que le coût de la vie en Grèce, depuis le passage à l’euro, avoisine désormais celui de la France. Les factures et loyers demeurent de plus en plus souvent impayés, les prêts bancaires ne sont plus forcément remboursés. Le scepticisme des jeunes pour l’avenir est terrible. Beaucoup espèrent pouvoir partir travailler à l’étranger, sans grandes illusions cependant.

En réduisant les causes de la crise économique à une question de gestion du système, le gouvernement nie ou dissimule la véritable raison : le capitalisme lui-même.

Le premier Ministre Grec Yorgos Papandreou multiplie les appels à « l’union sacrée » mais comment unir les travailleurs qui paient la crise aux capitalistes qui en profitent? Chaque jour le mouvement se renforce. Beaucoup de camarades perdent leur emploi au simple motif qu’ils participent au mouvement de grève (dans cette situation de panique le respect du code du travail est apparemment un terme oublié), mais les communistes se doivent d’être des modèles de combativité : les solutions à la crise existent.
La crainte que nous pouvons avoir est que les peuples d’Europe croient en la propagande capitaliste et que les travailleurs s’accusent entre eux. J’ai ainsi pu assister à certaines discussions préoccupantes, où une mère de famille par exemple accusait l’institutrice de son enfant d’avoir un salaire beaucoup trop élevé, et de participer ainsi à la dette de l’Etat. Pire encore : un jeune employé affirmant que la crise est due au « vol » des emplois par les immigrés qui acceptent de travailler pour des salaires moitié moindre dans un pays ou le travail au noir est plus que courant. Notre rôle en tant que communistes Européens est de faire comprendre au peuple que les responsables de la crise sont les capitalistes, que ce n’est pas à nous de payer leur crise et qu’une alternative à ce système est possible.

Depuis plusieurs mois déjà les grèves s’organisent et le mouvement prend de l’ampleur chaque jour.

Les médias grecs diffusent les scènes de violences comme l’incendie d’une agence de la Marfin banque (trois employés de banque sont tragiquement décédés dans l’incendie, alors même que le responsable de l’agence était pertinemment conscient du caractère potentiellement dangereux de la manifestation, mais avait préféré simplement baisser les rideaux de l’agence, laissant ses employés travailler pendant le passage du cortège des autonomes), stratégie visant évidemment à dissuader les manifestants de participer aux rassemblements, et donc à faire l’impasse sur les revendications populaires.
Ce samedi une grande manifestation nationale à été organisé par le Parti Communiste Grec (KKE) à Athènes. Une manifestation qui fut une démonstration de force du PC grec dont la Première Secrétaire Aleka Papariga a affirmé que les communistes sont prêts à riposter à toutes les attaques à l’encontre du peuple. Un rassemblement qui se voulait internationaliste avec l’accueil de délégations communistes venues de nombreux pays. L’idée d’une action Européenne d’ampleur contre les plans d’austérité imposés par l’Union Européenne et le FMI commence à se préciser.

KKE

Cette année universitaire passée en Grèce me permet d’affirmer que la force révolutionnaire de résistance la plus à même de mener le peuple Grec au combat est le KKE, force politique puissante et très organisée qui a toujours eu -contrairement au Synaspismos signataire de Maastrish- une politique claire, jamais influencée par la social-démocratie.
Sachez également que le peuple grec est très sensible à nos manifestations de soutien en France: il est indispensable de montrer notre solidarité et notre compassion face à l’injustice qu’il subit. La résistance Grecque se doit d’être victorieuse si elle veut donner l’espoir aux peuples d’Europe. Nous vivons aujourd’hui un tournant historique, c’est a notre génération de relever le défi qui se pose a nous. D’ici là, bonne lutte ! Hasta siempre !

Dimitri